Prêt familiaux non formalisé et requalification en revenu d’origine indéterminée ou en donation : le point sur les risques fiscaux

fiscalité

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Dans un récent arrêt en date du 10 juillet 2019 (CE 10 juillet 2019, n°428147), le Conseil d’Etat confirme la position de l’administration fiscale en jugeant qu’un un prêt non formalisé reçu par un contribuable de son frère comme un revenu d’origine indéterminée.

Pour rappel, si les prêts familiaux ne sont pas interdits, ces derniers doivent désormais faire l’objet d’un formalisme déclaratif au risque d’être requalifiés en revenu indéterminé en cas de contrôle de l’administration fiscale. Traditionnellement les prêts dits « familiaux » faisaient l’objet d’une absence de formalisme et ce en accord avec une jurisprudence favorable au contribuable ainsi qu’une approche souple de l’administration fiscale grâce à la notion de présomption de prêt familial.

Toutefois, on assite à un durcissement de la position de l’administration fiscale qui lors des opérations de contrôle refuse la qualification de crédits en « prêts familiaux » dès lors que les prêts n’ont pas fait l’objet d’une déclaration ni d’un enregistrement préalable de la part des contribuables ou peut les requalifier en donations.   

L’arrêt commenté en constitue une bonne illustration. A la suite d’un examen contradictoire de situation fiscale personnelle engagé à l’encontre d’un couple de contribuable, l’administration fiscale avait procédé à la taxation d’office, au titre des années 2011 et 2012, sur le fondement des articles L. 16 et L. 69 du livre des procédures fiscales, de sommes portées au crédit des comptes bancaires des époux dont l’origine est demeurée.

Durant l’instruction, les contribuables avaient alors précisé que ces crédits constituaient des prêts familiaux.

Selon unejurisprudence constante du Conseil d’Etat, les versements d’argent entre les membres d’une même famille sont réputés constituer des prêts familiaux et ne peuvent donc être imposés au titre des crédits bancaires dont le contribuable ne peut justifier l’origine dans le cadre de la procédure d’examen de sa situation fiscale personnelle (ESFP).

Cette présomption peut toutefois être combattue par tous moyens par l’administration. La présomption peut ainsi être remise en cause lorsque l’administration apporte la preuve de l’existence de relations d’affaires entre le prêteur et le créancier ou encore en démontrant l’existence d’une disproportion entre les sommes versées et les ressources financières de l’auteur du versement (CE 11 octobre 2017 n° 398684).

Dans l’arrêt commenté, et confrontée à un prêt non formalisé, la Haute juridiction fait semble-t-il une stricte application de la méthodologie posée par cet arrêt du 17 octobre 2017 et annule l’arrêt de la CAA pour erreur de droit. Cet arrêt est l’occasion de rappeler aux contribuables les précautions à prendre en cas de prêt familiaux. Ceci, afin de s’aménager au préalable la preuve de leur bonne foi, de sécuriser leur situation et d’éviter tout litige dans le cadre d’un durcissement général de l’approche de l’administration fiscale dans le cadre des opérations de contrôle. 

Sur le fond il convient de rappeler ce qui peut sembler pourtant relever pourtant de l’évidence : un prêt doit être remboursé. En effet, en absence de tout remboursement non justifié (difficultés financières) des sommes avancées de la part de l’emprunteur, l’administration est susceptible de considérer que le prêt constitue en réalité une donation déguisée et de procéder à une taxation de celui-ci au titre des droits de donation.

En ce qui concerne les obligations déclaratives fiscales,en application des dispositions de l’article 242 ter du CGI, unprêt doit être déclaré dès lors que son montant en principal excède 760 € (l’emprunteur joint pour ce faire un formulaire Cerfa n° 2062 à sa déclaration de revenus).

Il est également fortement conseillé de s’aménager la preuve du prêt en rédigeant aune convention de prêt qui pourra utilement être enregistrée auprès des impôts (cout de 125 €).

Sur ce point, l’article 1359 du Code civil rend la constitution d’un écrit impératif dès lors que le prêt familial porte sur une somme supérieure à 1.500 €. En pratique, cette obligation est dans les faits peu souvent respectée en matière de prêts familiaux. Un écrit se révèle en effet un instrument précieux dans la mesure où il expose les conditions particulières retenues pour l’opération envisagée : la durée, le taux d’intérêt le cas échéant, les modalités de remboursement ainsi que les éventuelles garanties concédées.

En cas de demande d’information de l’administration fiscale, le fait que l’opération soit enregistrée constituera, par ailleurs, pour le contribuable un avantage considérable. Celui-ci pourra, en effet, combattre toute tentative visant à qualifier la somme reçue de revenus non déclarés ou de donation.

La forme écrite n’oblige pas pour autant à établir nécessairement à un acte notarié. Ce dernier n’est obligatoire que dans le cas d’une garantie réelle immobilière.

L’arrêt commenté constitue donc l’occasion de rappeler la nécessité de documenter en amont le versement d’un prêt familial, dans la mesure où en cas de contrôle, faute du respect de ces obligations pourtant purement formelles bien qu’obligatoires, l’administration fiscale refusera quasiment systématiquement ces justifications de crédit.

Rémi Castebert
Avocat à la Cour
JFA Souillac Avocats

intervenant au sein des formations EFE

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