Actualité du contentieux fiscal des marchands de biens : l’absence d’opération commerciale constatée au cours d’un exercice n’écarte pas l’assujettissement d’une SCI à l’IS

Dans un récent arrêt en date du 18 mars 2020 (CE 18 mars 2020, n° 425443 « Sté ESPM ») le Conseil d’Etat juge que la circonstance qu’au cours d’une année aucune opération de revente d’immeuble n’ait été réalisée par une société civile ne suffit pas, à elle seule, à écarter son assujettissement à l’impôt sur les sociétés pour l’année en cause au motif que celle-ci exercerait une activité commerciale de « marchand de biens ».

Pour rappel, si la majorité des opérations immobilières réalisées par des sociétés civiles immobilières (SCI) répondent des de simples objectifs de gestion d’un patrimoine immobilier, Il arrive cependant régulièrement que l’administration fiscale considère que certaines opérations réalisées par des SCI revêtent le caractère d’opérations spéculatives conduisant à requalifier l’activité de la SCI en activité commerciale de « marchand de biens » au sens de l’article 35 du Code Général des Impôts (CGI). Cette qualification conduisant notamment à l’assujettissement de la SCI à l’impôt sur les sociétés et lui interdisant donc de bénéficier de l’abattement pour durée de détention lors du calcul de la plus-value de vente de l’immeuble.

Pour rappel, l’article 35 du code général des impôt dispose que :

« […] présentent également le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, pour l’application de l’impôt sur le revenu, les bénéfices réalisés par les personnes physiques désignées ci-après : 1° Personnes qui, habituellement, achètent en leur nom, en vue de les revendre, des immeubles, des fonds de commerce, des actions ou parts de sociétés immobilières ou qui, habituellement, souscrivent, en vue de les revendre, des actions ou parts créées ou émises par les mêmes sociétés. »

Ainsi, les personnes physiques ou les sociétés quel que soit leur forme (SCI comprises) qui achètent habituellement des immeubles en vue de les revendre sont donc susceptibles d’être qualifiées de « marchand de biens ».

Pour être qualifié de « marchands de biens », deux conditions cumulatives doivent être remplies :

  • La condition de l’habitude : cette condition doit s’apprécier en fonction du nombre et du rythme des ventes d’immeubles. L’importance des ventes est également prise en compte. Par exemple, relève du régime des marchands de biens, en raison de la fréquence (nombre, rapprochement) et de l’importance des opérations une personne qui a, entre 1936 et 1951, compte non tenu de deux ventes comportant déclaration de command, procédé à vingt-neuf opérations immobilières, dont 14 acquisitions et 15 reventes (CE 18-6-1955 n° 20497) ; deux contribuables bijoutiers qui, entre 1962 et 1964 : ont acquis par 12 opérations distinctes des immeubles bâtis, des parties de tels immeubles, des terrains et des parts d’une SCI ; ont revendu, par 38 opérations, certains de ces immeubles ou des lots de ces immeubles ; ont également fait apport d’un fonds de commerce à une société ayant pour objet le commerce des biens (CE 7e – 9e s.-s. 3-5-1972 n° 81639 et 81640).
  • L’intention spéculative : c’est-à-dire qu’il est nécessaire de démonter qu’au moment de la vente, le contribuable ou la SCI avaient l’intention de revendre le ou les biens acquis à brève échéance afin de générer un profit.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté, une SCI, a acquis les 15 janvier et 23 juillet 2008 deux immeubles situés à Bordeaux.

Elle a vendu l’un des deux lots du bâti du premier immeuble le 17 juillet 2008 et le terrain à bâtir attenant le 23 juillet 2008 (revente l’année de l’acquisition et à brefs délais) et, après avoir créé douze lots dans le second immeuble, en a vendu quatre les 6 et 27 octobre 2008 et le 26 février 2009 (revente l’année de l’acquisition ou à brefs délais).

A l’issue d’opérations de contrôle portant sur les exercices 2008 à 2010, l’administration fiscale 2008 à 2010, l’administration fiscale a remis en cause le caractère civil de l’activité de la SCI au motif qu’elle exerçait une activité de « marchand de biens » et l’a, en conséquence, assujettie à l’impôt sur les sociétés pour les années en cause.

Par un jugement du 4 mai 2016, le tribunal administratif de Bordeaux a rejeté la demande de la SCI ESPM tendant à obtenir la décharge des cotisations d’impôt sur les sociétés mises à sa charge au titre des années 2008 à 2010.

Cette solution n’appelle pas de commentaire particulier de notre part, dans la mesure où il semble que les juges aient retenu le critère classique du délai séparant l’achat de la revente des immeubles pour apprécier l’intention spéculative du cédant au jour de l’acquisition de l’immeuble.

En ce qui concerne le critère de l’habitude, celui-ci semble remplit au cas particulier compte tenu de l’importance des reventes sur une courte période.

Toutefois et par un arrêt du 25 septembre 2018, la CAA de Bordeaux a, sur appel de la SCI ESPM, déchargé celle-ci des cotisations d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de 2010 au motif qu’en 2010, la SCI n’avait réalisé aucune opération de revente et s’était exclusivement livrée à des opérations de location de biens immobiliers ne relevant pas du champ d’application de l’article 35 du CGI.

Dans l’arrêt commenté, la Haute juridiction censure la solution de la CAA de Bordeaux en jugeant que :

« Pour décharger la SCI ESPM des cotisations d’impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre de 2010, la cour s’est fondée sur la seule circonstance que, au cours de cette année, la société n’avait réalisé aucune opération de revente et s’était exclusivement livrée à des opérations de location de biens immobiliers ne relevant pas du champ d’application de l’article 35 du code général des impôts. En statuant de la sorte, alors qu’une telle circonstance ne suffisait pas, à elle seule, à écarter l’application combinée de l’article 35 du code général des impôts et du 2 de l’article 206 du même code à la SCI ESPM, la cour a commis une erreur de droit. »

Cette solution nous semble pour le moins logique bien que défavorable au contribuable. En effet, si le changement de régime fiscal est constaté (volontairement ou non) au titre d’un exercice et que la SCI devient redevable de l’impôts sur les sociétés, celle-ci ne peut plus, en principe, relever à nouveau du régime fiscal de l’article 8 du CGI au titre d’exercices postérieurs (sauf révocation éventuelle pour les sociétés créées depuis moins de 5 ans depuis le 1er janvier 2019). On comprend donc mal comment une SCI pourrait changer plusieurs fois de régime fiscal au cours d’une période vérifiée en fonction de son activité.   

Cette décision constitue des précisions toujours bienvenues, dans la mesure où le contentieux de la requalification d’opérations immobilières en activité de « marchand de biens » constitue une source de contentieux récurrent, source d’enjeux financiers très importants.

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Rémi Castebert
Avocat à la cour
JFA Souillac

Intervenant au sein des conférences EFE