Actualité du contrôle fiscal : précisions concernant l’appréciation des seuils de l’article L 52 du LPF

Dans un récent arrêt en date du 23 janvier 2020 (CAA de Versailles 23 janvier 2020, n°18VE01798 « EURL MSGO »), la Cour Administrative d’Appel de Versailles apporte d’intéressantes précisons en jugeant, en ce qui concerne la nature des activités exercée pour l’application des dispositions de l’article L 52 du LPF qu’une entreprise de maçonnerie qui exerce une activité mixte de prestation de services et de fourniture de bien  relève du seul applicable aux prestations de services dans la mesure où  la fourniture des matériaux constitue pour la société un élément indissociable et donc annexe de la prestation globale de travaux de maçonnerie, laquelle a la nature d’une prestation de services.

Pour rappel, l’article L 52 du LPF dispose que sous peine de nullité de l’imposition, la vérification sur place des livres ou documents comptables (les opérations de vérifications) ne peut pas, sauf cas particuliers, s’étendre sur une durée supérieure à trois mois pour les contribuables dont le montant annuel hors taxe du chiffre d’affaires ou des recettes brutes n’excède pas la limite d’admission au régime simplifié d’imposition.

Actuellement, cette limite est fixée à :

  • 789 000 € s’il s’agit d’entreprises industrielles ou commerciales dont le commerce principal est de vendre des marchandises, objets, fournitures ou denrées à emporter ou à consommer sur place, ou de fournir le logement ;
  • 238 000 € en ce qui concerne les autres entreprises industrielles ou commerciales (prestataires de services), ainsi que pour les personnes exerçant une activité non commerciale ;
  • 352 000 € pour les entreprises agricoles.

Il en résulte que lorsque les opérations de vérification sur place excèdent la durée de 3 mois, la vérification de comptabilité est irrégulière entrainant la décharge de la totalité des compléments d’imposition et pénalités mis à la charge de l’entreprise vérifiée (CE 23 juin 1993 n° 96477, 9e et 8e s.-s., Bichet, BOI-CF-PGR-20-30 n° 50, 4-2-2015).

En pratique les difficultés peuvent survenir en présence d’entreprise exerçant une activité mixte (vente de biens et prestations de services). La question qui se pose alors et de savoir quel est le seuil applicable à l’entreprise vérifiée.

Dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté, l’EURL MSGO (la « Société ») soutenait que le Service vérificateur avait excédé la durée de contrôle de 3 mois posée par l’article L. 52 du LPF.

Dans ses conclusions, la Société soutenait qu’elle exerçait une activité mixte de prestations de services et de vente au titre de la période vérifiée, dans la mesure où, pour la réalisation des travaux commandés par ses clients, elle fournissait directement divers matériaux et matières premières en sus de la main d’œuvre (prestation de services).

La Société concluait qu’il y avait donc lieu de retenir, pour l’application des seuils prévus par l’article L 52 du LPF, le seuil de chiffre d’affaires prévu pour les entreprises dont le commerce principal est de vendre des marchandises et fournitures et non le seuil applicable aux entreprises de prestations de services.

Dans l’arrêt commenté, la CAA de Versailles donne raison à l’administration en jugeant que juge que :

« Il résulte de l’instruction que la fourniture des matériaux constitue pour la société un élément indissociable de la prestation globale de travaux de maçonnerie, laquelle a la nature d’une prestation de services, et non une activité distincte de vente de marchandises, détachable de cette prestation. L’EURL MSGO ne saurait, dès lors, utilement se prévaloir de la circonstance que la vérification de comptabilité dont elle a fait l’objet a excédé le délai de trois mois prévu à l’article L. 52 du livre des procédures fiscales. »

Au cas particulier, il semble que la CAA de Versailles ait adopté le raisonnement appliqué en matière de TVA, lorsqu’il convient de déterminer si une prestation est peut-être considérée comme annexe à une prestation dite « principale ». Ceci, afin de justement déterminer si cette prestation mixte doit être globalement considérée comme une « prestation de services » ou « une livraison de biens » pour appliquer le régime TVA et le taux adéquat.

En effet, en ce qui concerne l’approche applicable en matière d’appréciation des prestations « détachables » en matière de TVA la CJUE juge de longue date que :

« Doit être considérée comme accessoire à une prestation principale lorsqu’elle ne constitue pas pour la clientèle une fin en soi, mais le moyen de bénéficier dans les meilleures conditions du service principal du prestataire ». Dans un tel cas, a-t-elle alors jugé, la prestation accessoire doit suivre le même régime fiscal que celui applicable à la prestation principale ». (CJCE 11 janvier 2001 aff. 76/99, Commission c/ France).

Il semble également que la CAA se soit refusé à prendre en compte le montant du CA correspondant respectivement à la vente de biens et aux prestations de services pour apprécier l’activité principal de l’entreprise.        

Cette décision si elle est défavorable au contribuable apporte donc d’utiles précisions concernant les modalités d’application des dispositions de l’article L 52 du LPF.

Rémi Castebert
Avocat à la cour
JFA Souillac

Intervenant au sein des conférences EFE