Précisions sur la mise en demeure de produire une déclaration adressée à un contribuable en liquidation judiciaire

Dans un arrêt en date du 28 juillet 2017 (CE 28 juillet 2017 n° 398632), le Conseil d’Etat juge que dans le cas d’un contribuable placé en liquidation judiciaire, la mise en demeure de l’administration fiscale de déposer une déclaration de revenus doit être adressée au contribuable lui-même et non au liquidateur et qu’il n’en va autrement que s’agissant de la déclaration de revenus catégoriels se rattachant à l’activité objet de la liquidation judiciaire, pour laquelle la mise en demeure doit être adressée cette fois-ci au liquidateur.

Pour rappel, l’article 67 du LPF prévoit que l’administration fiscale ne peut recourir à la procédure de taxation d’office que si le contribuable n’a pas régularisé sa situation dans les trente jours de la notification d’une mise en demeure.

La question du destinataire de la mise en demeure se pose en cas de contribuable placé en liquidation judiciaire.

Dans un tel cas, alors qu’autrefois la Haute Juridiction jugeait que les actes de la procédure d’imposition devaient être exclusivement notifiées au liquidateur (CE 14 mars 2008 n° 290591). Le présent arrêt du Conseil d’Etat revient en partie sur sa jurisprudence en modérant sa position, et fait désormais la distinction selon la nature des pièces de procédure en cause.

Dans cette affaire, le contribuable, qui exerçait une activité agricole dans un groupement foncier agricole dont il était le gérant et l’unique associé, a été placé en liquidation judiciaire par un jugement du tribunal de grande instance de Chartres du 4 mai 2004 jusqu’au 21 septembre 2010.

Le 15 septembre 2009, l’administration fiscale lui a adressé une mise en demeure de déposer sa déclaration de revenu pour l’année 2008. Et le 27 septembre 2010, elle a également adressé une mise en demeure de déposer sa déclaration de revenus agricoles pour la même année.

En raison du défaut de déclaration du contribuable, l’administration fiscale a engagé une procédure de taxation d’office et a notifié au contribuable une proposition de rectification portant sur les bénéfices agricoles le 20 décembre 2011 et une autre portant sur l’impôt sur le revenu.

Au cas particulier, le Conseil d’Etat juge que la mise en demeure de produire une déclaration de revenus pour l’année 2008 avait été régulièrement notifiée au contribuable et non au liquidateur. En effet, la Haute Juridiction revenant sur sa jurisprudence antérieure, juge désormais que le contribuable en liquidation judiciaire demeure tenu de procéder lui-même à la déclaration de ses revenus et que donc la mise en demeure de l’administration fiscale doit lui être adressée, et non au liquidateur, sauf en ce qui concerne la déclaration de revenus catégoriels se rattachant à l’objet de la liquidation judiciaire.

Il semble donc ressortir de cette solution que les mises en demeure devant être adressées au contribuable en liquidation judiciaire concernent la déclaration d’ensemble et ses annexes, et également les déclarations afférentes aux revenus professionnels ne se rattachant pas à l’activité faisant l’objet de la liquidation judiciaire. En revanche, les autres pièces de la procédure d’imposition telles que la proposition de rectification, la réponse aux observations, ou bien encore l’avis de la commission devraient continuer à être adressées qu’au seul liquidateur.

Cette nouvelle position du Conseil d’Etat est à rapprocher avec celle tenue par la Cour de cassation qui opérait déjà une distinction entre la déclaration d’ensemble des revenus et la déclaration relative à une activité professionnelle (cette dernière subissant les effets du dessaisissement du contribuable en liquidation judiciaire) (Cass. crim. 11 janvier 1996 n° 95-80.979).

La solution retenue dans le présent arrêt dans le cas d’un contribuable placé en liquidation judiciaire n’est pas exempt de défauts. En effet, le liquidateur est désormais susceptible de se voir privé de tout ou partie d’information sur les mises en demeure directement adressées au contribuable et donc d’être placé dans l’impossibilité de pallier en temps utile à d’éventuelles carences du contribuable en liquidation judiciaire (défaut, retard ou insuffisance de déclarations), ce qui pourrait nuire à sa mission d’apurement du passif au détriment des créanciers du contribuable en liquidation judiciaire.

Vincent Houang
Avocat à la Cour
NMW Delormeau

 

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