Holdings animatrices, avancées jurisprudentielles

Conférence « Holdings animatrices » du 23 novembre 2017, Paris

Article de Me Jean-François Desbusquois, Avocat Associé, Directeur adjoint du département Droit du Patrimoine chez FIDAL

La holding animatrice est au cœur de l’organisation patrimoniale de nombreux chefs d’entreprises. Sa définition traditionnelle repose sur un double critère : la participation de la holding à la conduite de la politique du groupe et le contrôle qu’elle exerce sur ses filiales. Mais depuis plusieurs années, l’administration tentait de la soumettre à de nouvelles exigences : l’obligation pour la holding d’animer la totalité de ses filiales, l’impossibilité que deux holdings animent ensemble le même groupe, etc… Plusieurs décisions récentes rejettent ces nouveaux critères.

L’animation de la totalité des participations n’est pas indispensable

La cour d’appel de Paris vient de confirmer que la holding n’est pas dans l’obligation d’animer la totalité de son portefeuille de participations.

Dans cette affaire, un contribuable avait revendiqué l’exonération d’ISF au titre des biens professionnels sur les titres d’une holding animatrice à hauteur de la valeur des participations qu’elle animait et un pacte Dutreil-ISF pour le surplus (la quote-part correspondant à sa filiale non animée).

L’administration fiscale rejeta l’application de ces deux dispositifs arguant que la holding, dans la mesure où elle n’animait pas l’intégralité de ses filiales, avait perdu sa qualité d’animatrice en totalité et n’exerçait donc plus qu’une activité de nature civile non éligible. Par deux jugements du 11 décembre 2014, le TGI de Paris avait annulé ces redressements en se fondant sur deux motifs. D’une part, l’administration n’a jamais précisé dans ses commentaires écrits (notamment le BOFIP) qu’une holding doit animer la totalité de ses participations pour pouvoir être animatrice de son groupe et ne peut donc prétendre l’imposer aux redevables. D’autre part, une telle exigence serait contraire « aussi bien à l’esprit de l’article 885 I bis du CGI (NDLA : ou de l’article 885 O bis) qu’à l’interprétation extensive qu’en a fait jusqu’alors l’administration, la doctrine ayant eu l’occasion de préciser que les sociétés ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale non exclusive mais prépondérante restaient néanmoins éligibles au dispositif fiscal de l’article 885 I bis ». Autrement dit, les holdings animatrices doivent se voir appliquer les régimes d’exonération d’ISF à l’instar des autres sociétés commerciales. Or, pour ces dernières, le fait qu’une partie de l’activité soit civile ne fait pas obstacle à l’exonération dès lors qu’elles exercent, à titre principal, une activité commerciale.

Par deux arrêts du 27 mars 2017 (n°15/09818 et 15/02544), la Cour d’appel de Paris vient de confirmer ces jugements. L’administration fiscale se serait pourvu en cassation.

La Cour d’appel de Rennes admet la possibilité de la co-animation

L’un des critères fondamentaux de la holding animatrice est le fait qu’elle exerce le contrôle sur ses filiales. Selon l’administration, seule la détention par la holding d’une majorité ou le fait qu’elle soit la principale associée de ses filiales lui permet de satisfaire à cette exigence.

Lorsqu’il existe plusieurs holdings dans un même groupe, seule celle qui détient le plus important pourcentage en capital serait ainsi susceptible d’être reconnue comme étant animatrice, toutes autres conditions étant supposées remplies. Et l’administration refuse, par principe, de prendre en compte les situations où plusieurs holdings exerceraient conjointement le contrôle.

A l’inverse, la cour d’appel de Rennes (CA Rennes 8 mars 2016, n°15/00775) vient de juger qu’une holding peut être considérée comme animatrice même si elle ne détient que 34 % du capital d’un groupe, alors que l’autre associé en possède 66 %. Cette appréciation particulière s’explique en l’espèce par le fait que la holding minoritaire avait conclu avec l‘associé majoritaire un pacte aux termes duquel ils avaient convenu de conduire ensemble la politique du groupe et de mettre en place une organisation spécifique à cet effet. La holding minoritaire et l’autre associé étaient tous deux membres d’un comité de direction et d’un comité stratégique logés dans une holding intermédiaire, qui servait de « courroie de transmission », et s’y réunissaient régulièrement pour décider conjointement de la politique industrielle du groupe. Dans cette situation, la holding bien que minoritaire a pu être considérée comme participant à l’exercice du contrôle conjointement avec l’autre associé. Les services fiscaux auraient formé un pourvoi en cassation.

Le TGI de Paris juge que les holdings animatrices ne sont pas soumises à l’exigence administrative de la prépondérance d’activité éligible des pactes Dutreil

Le TGI de Paris (TGI Paris 26 février 2016, n°14/15706) décide que l’administration ne peut refuser le bénéfice des pactes Dutreil (787 B) à une holding animatrice au motif qu’elle ne satisferait pas aux critères de l’activité éligible prépondérante, dans la mesure où cette exigence n’est énoncée que pour les sociétés ayant directement une activité opérationnelle (industrielle, commerciale, etc…), mais non pour les holdings animatrices.

Dans cette affaire, le contribuable avait consenti une donation sous pacte Dutreil des actions de sa holding à ses enfants et petits-enfants. L’administration reconnaissait que la holding était effectivement animatrice vis-à-vis de certaines filiales, mais considérait qu’elle exerçait aussi une autre activité, de nature civile, qui avait, selon elle, un caractère prépondérant. L’administration fiscale prétendait remettre en cause le régime Dutreil à ce titre, en invoquant ses propres commentaires publiés au BOFIP qui exigent qu’en présence d’une société ayant une activité mixte, la partie civile ne soit pas prépondérante . Le tribunal entérine la défense du redevable qui estimait que la doctrine administrative n’énonce le principe et les critères de la prépondérance  que dans la partie de ses commentaires relative aux sociétés opérationnelles, mais non dans celle concernant les holdings animatrices. Le TGI ajoute qu’il serait en outre parfois impossible d’appliquer à une holding animatrice l’un des deux critères administratifs de la prépondérance qui veut que le chiffre d’affaires procuré par l’activité éligible soit au moins égal à 50 % du chiffre d’affaires total de la société. En effet, une holding n’a souvent aucun chiffre d’affaires… Les services fiscaux auraient fait appel de ce jugement.

Ces décisions constituent d’intéressantes avancées jurisprudentielles. Dans la mesure où elles sont frappés de recours, il conviendra d’attendre la position de la Cour de cassation. Elles semblent toutefois fortement argumentées et on peut espérer qu’elles seront confirmées ce qui mettrait un terme à certaines tentatives de remise en cause des holdings animatrices. La sécurité juridique des associés de groupes de sociétés y gagnerait beaucoup.

Jean-François Desbusquois
Avocat Associé, Directeur adjoint du département Droit du Patrimoine
FIDAL
Intervenant à la formation « Holdings animatrices » du 23 novembre 2017, Paris

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