Provisions pour suivi de contentieux liés à la garantie décennale

Les provisions constituées pour faire face à des charges de suivi des contentieux liés à la garantie décennale ne sont pas déductibles si elles sont indépendantes de la survenance desdits litiges

Dans un arrêt en date du 12 octobre 2018 (CE 12 octobre 2018 n° 404091, SAS de Conception d’Architecture et d’Urbanisme ci-après SCAU), le Conseil d’Etat rappelle que les provisions pour franchise de garantie décennale sont déductibles à l’exercice de la réception des travaux tout en précisant la nature des charges susceptibles de donner lieu à la constitution de provisions. Il juge ainsi que les charges de personnel et de structure faisant l’objet des provisions en litige ne pouvaient être déduites dès lors que leur engagement était indépendant de la survenance de litiges liés à la garantie décennale.

Pour rappel, le Conseil d’Etat a admis le principe de la déduction des provisions constituées en vue de faire face au versement de la franchise pour garantie décennale des constructeurs dans un arrêt du 13 janvier 2006 (CE 13 janvier 2006 n° 259824, société Colas Midi Méditerranée). La Haute juridiction a précisé à cette occasion que cette provision est en principe déductible seulement à compter de l’exercice de la réception des travaux. Par exception, le Conseil d’Etat précise que ladite provision est déductible dès l’exercice d’ouverture du chantier lorsque le constructeur se prévaut de la doctrine dérogatoire lui permettant de comptabiliser ses travaux selon la méthode de l’avancement, c’est-à-dire au fur et à mesure de leur exécution.

Dans la présente affaire, une agence d’architecture, la société SCAU, a constitué à la clôture de chaque exercice entre 2008 et 2010 des provisions dénommées « provisions pour services après travaux » pour couvrir les charges, essentiellement composées de charges de personnel et de structure engagées pour le suivi des contentieux qu’elle estimait être appelée à acquitter en cas de mise en jeu de sa responsabilité décennale au titre des ouvrages réceptionnés par ses clients au cours des dix exercices précédents.

A la suite d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a procédé à la réintégration dans les résultats de la société SCAU desdites provisions.

A la suite du rejet de sa réclamation contentieuse, la société SCAU a saisi de ce litige le tribunal administratif de Paris qui par jugement du 14 novembre 2014, lui a accordé la décharge sollicitée.

A son tour, la cour administrative d’appel de Paris a admis le principe de la déductibilité de ces provisions alors même que la société SCAU n’avait pas de service dédié au suivi des contentieux résultant de la garantie décennale, ni d’employés qui s’y consacraient à plein temps. Elle a retenu que le suivi du contentieux générait des coûts et que le temps consacré à cette mission par les employés de la société SCAU ne l’était pas à d’autres fonctions susceptibles de générer des recettes.

Mais cette solution est censurée par le Conseil d’Etat qui juge que les charges de personnel et de structure faisant l’objet des provisions en litige ne pouvaient être regardées comme probables à la date de constitution de ces provisions, dès lors que, correspondant à l’exécution de contrats de travail déjà signés et à des frais fixes d’agence, leur engagement était indépendant de la survenance de litiges liés à la garantie décennale au cours des exercices suivants.

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Jean-Christophe BOUCHARD
Avocat Associé
NMW Delormeau
Diplômé d’expertise comptable

Intervenant au sein des conférences EFE

www.nmwdelormeau.com

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