DAC 6 : quels sont les montages visés ?

Article rédigé par Denis-Emmanuel Philippe, Avocat associé (Barreaux de Bruxelles et de Luxembourg) au sein du Cabinet Bloom Law

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Deux notions doivent cumulativement être appréciées pour que le montage tombe dans l’obligation déclarative :
La notion de dispositif transfrontière
La notion de montage agressif

La directive limite l’obligation de déclaration à certains dispositifs transfrontières. Elle définit un «  dispositif transfrontière » comme un dispositif concernant plusieurs États membres ou un État membre et un pays tiers si l’une au moins des conditions suivantes est remplie :

a. tous les participants au dispositif ne sont pas résidents à des fins fiscales dans la même juridiction
b. un ou plusieurs des participants au dispositif sont résidents à des fins fiscales dans plusieurs juridictions simultanément
c. un ou plusieurs des participants au dispositif exercent une activité dans une autre juridiction par l’intermédiaire d’un établissement stable situé dans cette juridiction, le dispositif constituant une partie ou la totalité de l’activité de cet établissement stable
d. un ou plusieurs des participants au dispositif exercent une activité dans une autre juridiction sans être résidents à des fins fiscales ni créer d’établissement stable dans cette juridiction
e. un tel dispositif peut avoir des conséquences sur l’échange automatique d’informations ou sur l’identification des bénéficiaires effectifs

Et parmi ces dispositifs transfrontières tous ne doivent pas faire l’objet d’une déclaration. Ils doivent au surplus entrer dans la catégorie des montages agressifs. Pour cela ils doivent satisfaire au moins à l’un des marqueurs figurant à l’annexe IV.

  • 1. Marqueurs généraux
  • 2. Marqueurs spécifiques qui peuvent être liés au critère de l’avantage principal
  • 3. Marqueurs spécifiques liés aux opérations transfrontières
  • 4. Marqueurs spécifiques concernant les accords d’échange automatique d’informations
  • au sein de l’Union
  • 5. Marqueurs spécifiques concernant les prix de transfert

Certains marqueurs requièrent, pour que le dispositif soit déclarable, le respect d’une « main benefit test », c’est-à-dire que l’avantage principal du dispositif doit être l’obtention d’un avantage fiscal.

– 1 – MARQUEURS GÉNÉRAUX

Un dispositif où le contribuable s’engage à respecter une clause de confidentialité selon laquelle il peut lui être demandé de ne pas divulguer à d’autres intermédiaires ou aux autorités fiscales comment le dispositif pourrait procurer un avantage fiscal.

Un dispositif pour lequel l’intermédiaire est en droit de percevoir des honoraires fixés par référence :

a. au montant de l’avantage fiscal découlant du dispositif ;
b. au fait qu’un avantage fiscal découle effectivement du dispositif.

Un dispositif qui prévoit l’utilisation de documents standardisés, y compris de formulaires types : « Un dispositif dont la documentation et/ou la structure sont en grande partie normalisées et qui est à la disposition de plus d’un contribuable concerné sans avoir besoin d’être adapté de façon importante pour être mis en œuvre ».

– 2 – MARQUEURS SPÉCIFIQUES QUI PEUVENT ÊTRE LIÉS AU CRITÈRE DE L’AVANTAGE PRINCIPAL

1. Un dispositif dans lequel un participant au dispositif prend artificiellement des mesures qui consistent à acquérir une société réalisant des pertes, à mettre fin à l’activité principale de cette société et à utiliser les pertes de celle-ci pour réduire sa charge fiscale, y compris par le transfert de ces pertes à une autre juridiction ou par l’accélération de l’utilisation de ces pertes.

2. Un dispositif qui a pour effet de convertir des revenus en capital, en dons ou en d’autres catégories de recettes qui sont taxées à un niveau inférieur ou ne sont pas taxées.

3. Un dispositif qui inclut des transactions circulaires ayant pour résultat un «carrousel» de fonds, à savoir au moyen d’entités interposées sans fonction commerciale primaire ou d’opérations qui se compensent ou s’annulent mutuellement ou qui ont d’autres caractéristiques similaires.

– 3 – MARQUEURS SPÉCIFIQUES LIÉS AUX OPÉRATIONS TRANSFRONTIÈRES

1. Un dispositif qui prévoit la déduction des paiements transfrontières effectués entre deux ou plusieurs entreprises associées lorsque l’une au moins des conditions suivantes est remplie :

  • le bénéficiaire ne réside à des fins fiscales dans aucune juridiction fiscale ;
  • même si le bénéficiaire réside à des fins fiscales dans une juridiction, cette juridiction :
    • ne lève pas d’impôt sur les sociétés ou lève un impôt sur les sociétés à taux zéro ou presque nul ; ou
    • figure sur une liste de juridictions de pays tiers qui ont été évaluées par les États membres collectivement ou dans le cadre de l’OCDE comme étant non coopératives ;
  • le paiement bénéficie d’une exonération fiscale totale dans la juridiction où le bénéficiaire réside à des fins fiscales ;
  • le paiement bénéficie d’un régime fiscal préférentiel dans la juridiction où le bénéficiaire réside à des fins fiscales.

2. Des déductions pour le même amortissement d’un actif sont demandées dans plus d’une juridiction.

3. Un allègement au titre de la double imposition pour le même élément de revenu ou de capital est demandé dans plusieurs juridictions.

4. Il existe un dispositif qui inclut des transferts d’actifs et où il y a une  différence importante dans le montant considéré comme étant payable en contrepartie des actifs dans ces juridictions concernées.

– 4 – MARQUEURS SPÉCIFIQUES CONCERNANT LES ACCORDS D’ÉCHANGE AUTOMATIQUE D’INFORMATIONS AU SEIN DE L’UNION EUROPÉENNE

1. Un dispositif susceptible d’avoir pour effet de porter atteinte à l’obligation de déclaration en vertu du droit mettant en œuvre la législation de l’Union ou tout accord équivalent concernant l’échange automatique d’informations sur les Comptes financiers, y compris des accords avec des pays tiers, ou qui tire parti de l’absence de telles dispositions ou de tels accords. De tels dispositifs incluent au moins ce qui suit :

a. l’utilisation d’un compte, d’un produit ou d’un investissement qui n’est pas ou dont l’objectif est de ne pas être un Compte financier, mais qui possède des caractéristiques substantiellement similaires à celles d’un Compte financier ;

b. le transfert de Comptes ou d’actifs financiers vers des juridictions qui ne sont pas liées par l’échange automatique d’informations sur les Comptes financiers avec l’État de résidence du contribuable concerné, ou le recours à de telles juridictions ;

c. la requalification de revenus et de capitaux en produits ou en paiements qui ne sont pas soumis à l’échange automatique d’informations sur les Comptes financiers ;

d. le transfert ou la conversion d’une Institution financière, d’un Compte financier ou des actifs qui s’y trouvent en Institution financière, en Compte financier ou en actifs qui ne sont pas à déclarer en vertu de l’échange automatique d’informations sur les Comptes financiers ;

e. le recours à des entités, constructions ou structures juridiques qui suppriment ou visent à supprimer la déclaration d’un ou plusieurs Titulaires de compte ou Personnes détenant le contrôle dans le cadre de l’échange automatique d’informations sur les Comptes financiers ;

f. les dispositifs qui portent atteinte aux procédures de diligence raisonnable utilisées par les  Institutions financières pour se conformer à leurs obligations de déclarer des informations sur les Comptes financiers, ou qui exploitent les insuffisances de ces procédures, y compris le recours à des juridictions appliquant de manière inadéquate ou insuffisante la législation relative à la lutte contre le blanchiment de capitaux, ou ayant des exigences insuffisantes en matière de transparence en ce qui concerne les personnes morales ou les constructions juridiques.

2. Un dispositif faisant intervenir une chaîne de propriété formelle ou effective non transparente par le recours à des personnes, des constructions juridiques ou des structures :

a. qui n’exercent pas une activité économique substantielle s’appuyant sur des effectifs, des équipements, des ressources et des locaux suffisants ; et

b. qui sont constitués, gérés, contrôlés ou établis ou qui résident dans toute juridiction autre que la juridiction de résidence de l’un ou plusieurs des bénéficiaires effectifs des actifs détenus par ces personnes, constructions juridiques ou structures ; et c. lorsque les bénéficiaires effectifs de ces personnes, constructions juridiques ou structures, au sens de la directive (UE) 2015/849, sont rendus impossibles à identifier.

– 5 – MARQUEURS SPÉCIFIQUES CONCERNANT LES PRIX DE TRANSFERT

1. Un dispositif qui prévoit l’utilisation de régimes de protection unilatéraux.

2. Un dispositif prévoyant le transfert d’actifs incorporels difficiles à évaluer. Le terme d’“actifs incorporels difficiles” à évaluer englobe des actifs incorporels ou des droits sur des actifs incorporels pour lesquels, au moment de leur transfert entre des entreprises associées :

  • il n’existe pas d’éléments de comparaison fiables, et
  • au moment où l’opération a été conclue, les projections concernant les futurs flux de trésorerie ou revenus attendus de l’actif incorporel transféré, ou les hypothèses utilisées pour évaluer cet actif incorporel sont hautement incertaines, et il est donc difficile de prévoir dans quelle mesure l’actif incorporel débouchera finalement sur un succès au moment du transfert.

3. Un dispositif mettant en jeu un transfert transfrontière de fonctions et/ou de risques et/ou d’actifs au sein du groupe, si le bénéfice avant intérêts et impôts (BAII) annuel prévu, dans les trois ans suivant le transfert, du ou des cédants, est inférieur à 50 % du BAII annuel prévu de ce cédant ou de ces cédants si le transfert n’avait pas été effectué.

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