Modifications du pacte Dutreil à l’issue de l’adoption par l’Assemblée Nationale en première lecture du PLF 2019 (article 16)

Article rédigé par Me Jean-François Desbusquois, Directeur associé chez Fidal. Intervenant à la formation « Pactes Dutreil » du jeudi 6 décembre 2018 à Paris

Annoncée lors de la préparation de la loi Pacte, l’aménagement du régime des « pactes Dutreil » trouve son aboutissement dans l’article 16 du projet de loi de finances pour 2019. N’est toutefois concerné que le seul dispositif permettant de réduire les droits dus sur la transmission à titre gratuit de parts sociales ou actions (CGI art. 787 B), mais non celui pouvant s’appliquer aux entreprises individuelles (CGI art. 787 C). Certaines de ces mesures constituent de véritables assouplissements, alors que d’autres paraissent moins favorables aux redevables. Quelques amendements adoptés en première lecture par l’Assemblée Nationale contribuent aussi à améliorer le projet initial.

Refonte totale du dispositif d’apport des titres à une société holding :

L’article 787 B, f du CGI autorise déjà les héritiers, donataires ou légataires ayant souscrit un engagement individuel de conservation à l’occasion de la transmission de titres à leur profit, à apporter ensuite ces derniers, sans remise en cause de l’exonération partielle, au profit d’une holding alors que ledit engagement était encore en cours. L’article 16 prévoit d’ assouplir les conditions, actuellement très restrictives, sur les points suivants :

  • l’apport pourrait désormais être réalisé non seulement durant l’engagement individuel de conservation, mais aussi au cours de la période de l’engagement collectif ce que l’administration refusait jusqu’à présent ;
  • la condition qui imposait que la holding ait pour objet exclusif de détenir les titres de la société ayant fait l’objet de l’engagement collectif ou de sociétés du même groupe, serait remplacée par celle que la valeur réelle de l’actif brut de la holding soit, à l’issue de l’apport et jusqu’au terme des engagements de conservation, composée à plus de 50 % de participations dans la société cible ;
  • l’obligation actuelle que le capital de la holding soit détenu exclusivement par les bénéficiaires de l’exonération partielle jusqu’à la fin des engagements de conservation, serait ramenée à une détention minimum de 75 % du capital et des droits de vote, qui pourrait être assurée par les bénéficiaires de l’exonération partielle et par les signataires de l’engagement collectif ;
  • la possibilité d’apport, réservée jusqu’à présent aux seuls titres de la société cible, objet de l’engagement collectif, serait étendue à ceux d’une société interposée détenant directement ces derniers, sous la condition qu’à l’issue de l’apport et jusqu’au terme des engagements de conservation, la valeur réelle de l’actif brut de la holding bénéficiaire de l’apport soit composée à plus de 50 % de participations indirectes dans la société cible.

Maintien partiel du régime en cas de cession partielle des titres engagés à un autre signataire de l’engagement collectif

L’administration considère que le non respect partiel de l’engagement de conservation souscrit par l’héritier, le donataire ou le légataire ayant revendiqué l’exonération, entraîne une remise en cause du régime pour la totalité des titres qu’il a reçus sous ce dispositif, dans la donation ou la succession concernée, et non au prorata. Le PLF prévoirait désormais qu’en cas de cession partielle intervenant au profit d’un autre associé signataire de l’engagement collectif, l’exonération ne serait remise en cause qu’à hauteur des titres cédés, et maintenue pour le surplus des titres conservés par le bénéficiaire.

Cette mesure parait en réalité peu opérationnelle puisqu’elle vise par hypothèse une cession réalisée après la transmission exonérée mais avant la fin de l’engagement collectif, ce qui représente souvent un laps de temps réduit. On peut d’ailleurs se demander si elle ne vise pas plutôt à tenter de conforter la légalité incertaine de la doctrine administrative rappelée ci-dessus. La Cour de cassation a effet jugé (cass. com., 10 juillet 2018, n°16-26083) que l’héritier qui, recevant plusieurs parcelles dans une succession, a revendiqué l’exonération partielle applicable aux biens ruraux loués à long terme en prenant l’engagement de  les conserver pendant cinq ans, n’encoure la remise en cause de l’exonération, s’il vient à céder une seule d’entre elles avant la fin du délai, qu’au prorata et non pour la totalité des biens hérités, comme le soutenait l’administration.

L’attestation annuelle serait supprimée

Les obligations déclaratives actuelles, qui faisaient l’objet de critiques unanimes, seraient en partie allégées.

L’obligation systématique de fournir une attestation annuelle du respect des engagements qui pèse sur la société pendant l’engagement collectif, puis sur l’héritier, donataire ou légataire pendant l’engagement individuel, serait supprimée. Une attestation n’aurait plus à être produite qu’en cas de demande expresse de l’administration, auquel cas l’héritier, le donataire ou le légataire aurait trois mois pour y répondre. Une attestation de la société demeurerait toutefois exigée au moment de la donation ou de la déclaration de succession, ainsi qu’à la fin de l’engagement individuel de conservation.

En revanche, pour les sociétés interposées, des obligations déclaratives  nouvelles et plus étendues seraient imposées.

En présence de sociétés interposées, les participations devraient être conservées durant l’engagement individuel

En présence de sociétés interposées, l’engagement collectif de conservation est souscrit par la société qui détient directement la participation dans la société cible, exerçant une activité éligible. L’exonération est alors subordonnée à une condition particulière qui est que les participations demeurent inchangées à chaque niveau d’interposition pendant toute la durée de l’engagement collectif (CGI art. 787 B, b).

Cette obligation s’appliquerait désormais également pendant la phase d’engagement individuel de conservation. Cette mesure, présentée dans l’Exposé des motifs comme étant une clarification, vise en réalité à légaliser la doctrine administrative qui considère que la cession par une société interposée, au cours de l’engagement individuel, des titres de la société cible entraîne la remise en cause de l’exonération partielle. Rappelons que le Conseil d’Etat (CE  2018, 5 mars 2018, n°416838) vient de juger pour les pactes Dutreil- ISF, que l’article 885 I bis du CGI, rédigé exactement dans les mêmes termes sur ce point, n’imposait pas de maintenir inchangées les participations une fois l’engagement collectif achevé.

Abaissement des seuils minimum de l’engagement collectif

Un amendement adopté avec l’accord du Gouvernement prévoit l’abaissement des seuils minimum requis pour la conclusion d’un engagement collectif de conservation. Celui-ci devrait porter sur au moins10 % des droits financiers et 20 % des droits de vote pour les sociétés cotées, ou 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote pour les titres de sociétés non cotées.

Extension de l’engagement réputé acquis aux sociétés interposées

Un autre amendement autorise pour l’engagement réputé acquis à tenir compte des titres détenus indirectement (dans la limite d’un seul niveau d’interposition) par le contribuable seul ou avec son conjoint, son partenaire de Pacs, ou son concubin notoire.

Neutralisation des OPE

Un échange de titres dans le cadre d’une offre publique d’échange de titres préalable à une fusion ou une scission au cours de l’engagement collectif ou de l’engagement individuel ne remettrait pas en cause le régime d’exonération si les titres reçus en échange sont conservés jusqu’au terme desdits engagements.

Relevons enfin une curiosité: les assouplissements prévus en faveur des apports de titres à une société holding, ainsi que l’allégement des obligations déclaratives, s’appliqueraient aussi aux redevables restant liés par un engagement collectif, ou une obligation de conservation individuelle, dans le cadre du dispositif Dutreil-ISF (CGI art. 885 I bis)… abrogé le 31 décembre 2017.

Jean-François Desbusquois
Directeur Associé, directeur technique national département Droit du Patrimoine
FIDAL
Intervenant à la formation « Pactes Dutreil » du  jeudi 6 décembre 2018 à Paris

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