Articulation de la directive ATA et l’abus de droit – Interview

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QUENTIN_FICHE2Éric QUENTIN
Avocat Associé
Hoche Société d’Avocats
Intervenant EFE à la conférence « La direction fiscale de votre entreprise face à l’abus de droit » du jeudi 29 septembre 2016 à Paris


Le 21 juin dernier, le projet de directive ATA a été approuvé par le Conseil et devra être transposé avant le 31 décembre 2018 par les États membres. Parmi les nombreuses mesures qu’elle contient, une nous intéresse plus particulièrement aujourd’hui : la clause anti-abus générale

Boris Massoutier, responsable des départements Fiscalité et Gestion de patrimoine – EFE : la France est plutôt bien dotée dans son arsenal législatif pour lutter contre les abus. Dès lors, quel va être l’apport de cette clause anti-abus générale ?

L’objectif de cette clause anti-abus générale (GAAR), dont la rédaction s’inspire de celle de la clause anti-abus instituée dans le cadre de la directive mère-filiales n° 2015/121 du 27 janvier 2015, apparait de lutter contre la planification fiscale agressive lorsque d’autres règles spécifiques ne trouvent pas à s’appliquer.

En outre, cette clause anti-abus générale a vocation à s’appliquer aux règlementations fiscales nationales des Etats membres.

Ils ressort de l’exposé des motifs du projet de directive ATAD (Anti-Tax Avoidance Directive), comme ont pu le relever certains auteurs, que cette clause anti-abus générale a vocation à servir de « filet de sécurité » dans les situations où d’autres dispositions anti-abus ne peuvent être appliquées à des « montages ou séries de montages non authentiques, mis en place essentiellement dans le but d’obtenir un avantage fiscal allant à l’encontre de l’objet ou de la finalité des dispositions fiscales normalement applicables »

Boris Massoutier :on a pu voir les difficultés d’appréciation de la clause anti-abus dans le régime mère-fille. En pratique, comment interprétez-vous le critère de montages authentiques ?

Les difficultés d’interprétation de la clause anti-abus dans le régime mère-fille proviennent notamment du fait que cette clause résulte d’une traduction imparfaite du texte anglo-saxon de la clause anti-abus contenue dans la directive mère-filiale susvisée de 2015.

Comme l’a relevé Florence Deboissy dans une chronique passionnante consacrée au sujet dans la revue de Droit Fiscal en date du 21 avril 2016, les termes de « montage non authentique » sont largement ignorés de notre tradition juridique française ce qui rend leur interprétation délicate et ils procèdent de la traduction du terme anglo-saxon de « genuine » qui renvoie plutôt à ce qui est « sincère » ou de « bonne foi » et non à leur traduction littérale de « authentique » ou « véritable » comme l’a fait le législateur français fin 2015 dans le cadre de la transposition de  la directive mère-filiales .

Ces difficultés d’interprétation dans notre concept de droit interne ressortent très nettement dans les commentaires, critiques pour la plupart, qui ont suivi la mise en ligne sur sa base BOFIP par l’administration fiscale de ses commentaires sur la transposition de la clause anti-abus opérée par l’article 29 de la LFR pour 2015.

Boris Massoutier : et enfin nous terminerons sur une question au sujet du Brexit, actualité oblige, comment appréhendez-vous les prochaines évolutions des relations fiscales entre les filiales et les mères françaises et anglaises ?

Difficile de lire dans le marc de café, ou plutôt de thé, mais relevons toutefois que, même sans le filet de sécurité des directives, la convention fiscale franco-britannique trouvera pleinement à s’appliquer.

En tout état de cause, les années qui viennent nous indiqueront quelles voies choisiront le Royaume-Uni et l’UE pour régler leurs relations. Irons-nous vers une appartenance du Royaume Uni à l’Espace Economique Européen (peu probable à priori) ou vers des accords type AELE – à suivre…

 

 

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