La TVA ayant grevé les frais liés à la détention de participation de ses filiales par une holding est déductible en cas d’immixtion dans leur gestion

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jcbouchard-683x1024Jean-Christophe BOUCHARD
Avocat Associé
NMW Avocats
Diplômé d’expertise comptable

Dans un récent arrêt en date du 20 mai 2016 (CE, 20 mai 2016, n° 371940 Société Ginger), le Conseil d’État opère un revirement de jurisprudence en jugeant que la holding qui s’immisce dans la gestion de ses filiales peut déduire intégralement la TVA ayant grevé les frais liés à la détention de ces participations, sans que la circonstance selon laquelle la perception de dividendes de la part de ses filiales constitutive d’une opération en dehors du champ d’application de la TVA ne fasse obstacle au droit à déduction intégrale.

En principe, le régime des déductions de TVA vise à assurer la neutralité du système de TVA en soulageant l’entrepreneur du poids de la TVA due ou acquittée dans le cadre de toutes ses activités économiques à condition que lesdites activités soient elles-mêmes soumises à la taxe.

En d’autres termes, pour ouvrir droit à déduction, les dépenses effectuées pour acquérir les biens ou services doivent faire partie des éléments constitutifs du prix des opérations en aval ouvrant droit à déduction.

Sur cette question, les juges de l’impôt national et communautaire recherchent, de façon constante, l’existence d’un lien direct et immédiat entre une opération effectuée en amont et une ou plusieurs opérations en aval ouvrant droit à déduction.

Toutefois, même en l’absence d’un tel lien, un assujetti reste fondé à déduire l’intégralité de la TVA ayant grevé les acquisitions de biens ou services réalisées en amont, lorsque ces dépenses sont assimilables à des frais généraux qui constituent des éléments constitutifs du prix des produits d’une entreprise (biens produits ou services fournis par l’assujetti), et qui sont donc, par nature, en lien direct et immédiat avec l’ensemble de l’activité économique de l’assujetti.

Dans cette affaire, la société Ginger (ci-après la Société) avait engagé des frais au titre des services fournis par la Société au profit de ses filiales détenues pour l’essentiel à hauteur de 100 %. Dans chacun des cas, les prestations étaient effectuées en vertu d’une convention de gestion et d’assistance administrative, technique et comptable. Dans cette affaire, la Société a déduit en totalité la taxe ayant grevé les biens et services utilisés pour réaliser ces prestations.

Suite à une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a contesté le montant de la TVA déductible au motif que la TVA ayant grevé les dépenses portant sur les biens et services acquis par la société n’aurait dû être déduite que dans la limite des pourcentages résultant du rapport entre le montant annuel de ses recettes soumises à cette taxe et le montant annuel de l’ensemble de ses recettes.

En ce qui concerne la question du droit déduction de la TVA en ce qui concerne les sociétés holding, le Conseil d’État avait jugé dans un précédent arrêt (CE, 27 juin 2012, n° 350526 Société Ginger 1) que l’activité de holding de la société Ginger se composait d’une part, par le produit des prestations de gestion des filiales et d’autre part, de dividendes versés par ses filiales, pour conclure que les dépenses en litige ne se rattachaient que pour partie à l’activité de prestataire de services de la holding, seule soumise à la taxe.

La solution adoptée par le Conseil d’État en 2012 a par la suite été remise en cause par la  CJUE (voir notamment CJUE, 16 juillet 2015, aff. 108/14 et 109/14) qui a jugé quant à elle que les frais liés à la détention de participations dans les filiales supportés par une holding qui participe à leur gestion doivent être regardés comme affectés à l’activité économique de gestion des filiales de la holding et ouvre droit à une déduction intégrale de la taxe acquittée sur ces frais.

Dans l’arrêt commenté, le Conseil d’État se range à la position adoptée par la CJUE en jugeant que lorsqu’une société holding s’immisce dans la gestion de ses filiales, la TVA ayant grevé l’acquisition des biens et services nécessaires à la réalisation de ces prestations de services auprès de ses filiales constituent des frais généraux entièrement déductibles. Que la circonstance que les dividendes qu’elle perçoit de ses filiales constituent des recettes situées hors du champ d’application de la TVA est sans incidence sur la déduction intégrale de la taxe ayant grevé ces frais.

Conformément à la limite instaurée par la CJUE, le Conseil d’État précise toutefois que lorsque ces frais n’ont été affectés que pour partie à des filiales dont la gestion a été confiée à la holding et pour l’autre partie à des filiales à la gestion desquelles la société ne participait pas, la taxe acquittée en amont ne pourra être déduite que partiellement, selon une clef de répartition prenant en compte la part d’affectation des dépenses réalisées en amont entre l’activité économique (activité de gestion des filiales) et l’activité non économique (activité purement patrimoniale) de la société holding.

Dans cette affaire, la limite instaurée par le Conseil d’État n’avait pas vocation à s’appliquer puisque la société holding avait conclu avec l’ensemble de ses filiales des conventions de gestion et d’assistance administrative, technique et comptable à l’origine des prestations de gestion imposées à la TVA. Elle exerçait donc une activité économique à l’égard de l’ensemble des filiales.

Pour optimiser la déduction de a TVA, il est donc recommandé aux holdings de mettre en place des conventions de prestations de services avec l’ensemble de leurs filiales afin de déduire la TVA acquittée en amont sur les frais liés à la détention de participation de ces dernières.

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Jean-Christophe Bouchard est le fondateur du cabinet NMW avocats. Il jouit d’une forte notoriété en matière de fiscalité immobilière, et notamment pour les questions tenant à la fiscalité des SIIC, OPCI, SCPI, en matière de fiscalité immobilière dans un cadre transfrontalier et en matière de TVA immobilière. Il accompagne également une clientèle composée de groupe français et étrangers, côtés ou non, sur l’ensemble de leurs problématique fiscales (structurations complexes, restructuration, fusions acquisitions, intégration fiscale, international tax planning). Il assiste également ses clients dans le cadre de contrôle fiscal et de contentieux fiscal.

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