Les Holdings, entre optimisation et insécurité

holdings

JFDJean-François DESBUQUOIS
Avocat Associé
Directeur du Département Droit du patrimoine
FIDAL
Intervenant EFE à la conférence « Les Holdings », le mardi 28 juin 2016 à Paris.

Boris Massoutier, responsable des départements Fiscalité et Gestion de patrimoine – EFE : il est très souvent abordé la question de la constitution d’un holding dès lors que le patrimoine est important. Mais en réalité dans quel cas est-ce vraiment intéressant et nécessaire ?

La holding est un formidable outil patrimonial qui peut répondre à des objectifs économiques, juridiques, fiscaux ou financiers extrêmement variés. Elle permet par exemple:

  • De reconstituer une majorité après une donation-partage à plusieurs enfants des titres d’une société familiale ;
  • de mutualiser les services ou les moyens (marques, brevets, immobilier, trésorerie) utilisés par les différentes entités d’un même groupe pour améliorer les synergies et réduire les coûts ;
  • dans le cadre d’un LBO, de regrouper les investisseurs et les managers, et de lever la dette d’acquisition dédiée au projet etc.

Cet attrait se trouve encore renforcé par le fait que différents dispositifs fiscaux (régime mère-fille, intégration fiscale, régime des plus-values à long terme sur les cessions de titres de participations) facilitent la réalisation des opérations internes au sein du groupe, ce qui laisse ensuite à ce dernier plus de moyens financiers pour poursuivre son développement économique.

Ceci explique que la holding est très souvent utilisée en pratique, combinée avec d’autres techniques juridiques et fiscales, lorsqu’il s’agit de concevoir une organisation patrimoniale, ou la structuration d’un groupe de sociétés, afin de répondre au mieux aux objectifs des clients.

Boris Massoutier : l’éternelle problématique des sociétés holdings animatrices n’est toujours pas tranchée. Or en l’absence de définition claire et précise, comment abordez-vous la question avec vos clients? Et surtout quels sont les leviers de protection à mettre en place ?

La question de la qualification des holdings est cruciale pour les actionnaires de groupes de sociétés car elle conditionne le mode de mise en œuvre des nombreux régimes fiscaux spécifiques (ISF, succession, plus-values…) réservés aux sociétés ayant un activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale.

La holding « animatrice »  est assimilée à une entreprise : ses parts ou actions  peuvent donc faire l’objet directement de ces dispositifs.

En revanche, lorsque la holding n’est pas animatrice, son activité de nature civile la rend en général non éligible, et c’est alors elle qui doit intervenir en tant que société interposée pour mettre en œuvre les conditions prévues par le régime sur les titres de ses filiales industrielles ou commerciales.

En cas d’erreur d’appréciation sur la qualification d’une holding animatrice, les conditions ne seront donc pas remplies dans une société éligible, et le dispositif revendiqué par le redevable risquera d’être remis en cause, alors même qu’il aurait pu s’appliquer souvent sans difficulté sur les filiales.

Pour les conseils il est donc essentiel d’alerter les clients sur l’importance et les enjeux d’une juste analyse de la qualification de la holding en amont des opérations.

Actuellement, les conseils sont confrontés en pratique à deux risques principaux de disqualification plus ou moins faciles à gérer.

-la preuve du respect des critères traditionnels :

Pendant  longtemps, le contentieux  s’est limité souvent à des questions de preuve : le redevable qui prétendait que sa holding était animatrice devait démontrer lors d’un contrôle qu’elle remplissait bien le double critère fondamental rappelé constamment par l’administration : participer à la conduite de la politique du groupe et contrôler ses filiales. En pratique on constate qu’il succombait souvent faute d’avoir pré-constitué  les preuves écrites suffisantes.

Sur ce point nous attirons donc l’attention de nos clients sur la nécessité de respecter les critères fixés par la doctrine administrative, et appliqués strictement la jurisprudence. Il convient de s’assurer en amont des opérations d’avoir pré-constitué un dossier de preuves écrites suffisantes pour pouvoir apporter la preuve devant le juge que la holding conduit effectivement la politique du groupe et contrôle ses filiales. Ceci passe par une analyse fine du processus décisionnel du groupe, et sa formalisation dans différents supports tels qu’une convention d’animation, les procès-verbaux des organes sociaux concernés, la mise en place d’un reporting des filiales etc. Encore faut-il que les décisions prises par la holding soient pertinentes au regard de la qualification, ce qui nécessite une bonne connaissance des exigences de la jurisprudence en la matière.

Pour les sociétés que nous ne suivons pas régulièrement, nous préconisons souvent un audit préalable pour nous assurer du bon respect des critères avant de mettre en œuvre le dispositif fiscal souhaité par les associés.

Par ailleurs dans de nombreux régimes, la holding doit rester animatrice pendant toute la durée d’application des conditions (souvent plusieurs années après la réalisation de l’opération). Nous avons alors développé une méthodologie spécifique d’accompagnement durant toute cette période, que nous proposons à nos clients, pour leur permettre de consolider définitivement les exonérations.

-l’incertitude sur les nouveaux critères:

Plus récemment, l’administration fiscale a tenté de restreindre encore plus la définition en ajoutant de nouvelles conditions: il ne pourrait pas y avoir plusieurs holdings animatrices dans un même groupe, une holding animatrice ne pourrait pas détenir une filiale foncière, elle devrait  animer la totalité de ses participations,  au moins 50% de son actif devrait être constitué  de titres de participations, etc.

Ces nouvelles prétentions nous semblent contestables et sont l’objet pour certaines de contentieux en cours.

Il est difficile pour les conseils de prendre position sur ces questions tant que la jurisprudence ne sera pas fixée, ou que le législateur n’aura pas enfin donné une définition et des critères clairs à ce concept pourtant fondamental.

Si lors de l’audit préalable à une opération nous découvrons une difficulté relative à l’un de ces nouveaux critères contestables, nous analysons d’abord s’il est possible de la résoudre sans coût exorbitant. Si cela n’est pas possible, il est parfois préférable de revendiquer le régime sur les titres des filiales si les enjeux sont importants. Par exemple en cas de remise en cause d’un pacte Dutreil-transmission le coût fiscal du redressement peut dépasser 40% de la valeur de l’entreprise, il n’est évidemment pas possible de conseiller au client de prendre un tel risque si la qualification de la holding animatrice n’est pas assurée.

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