Un holding qui fournit des services gratuitement à ses filiales ne peut pas déduire la TVA payée en amont pour ces services

rémiRémi Castebert
Avocat à la cour
NMW Avocats
Intervenant au sein des formations fiscales EFE

 

Dans un arrêt rendu le 12 janvier 2017 (CJUE 12 janvier 2017 aff. 28/16), la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) juge qu’un holding qui s’immisce dans la gestion de ses filiales sans refacturer à ces dernières ni le prix des services juridiques, de gestion d’entreprise et de relations publiques, ni la TVA y afférente n’exerce pas une « activité économique » et ne peut donc pas bénéficier du droit à déduction de la TVA payée en amont pour ces services acquis dans la mesure où ceux-ci ne se rapportent pas à des opérations entrant dans le champ d’application de la TVA.

La problématique des droits à déduction de la TVA des sociétés holding fait l’objet d’une abondante jurisprudence. Sur le plan interne, la jurisprudence du Conseil d’Etat a même connu un revirement sous l’influence de la CJUE.

A titre liminaire, il est rappelé que lorsque la société holding ne s’immisce pas dans la gestion de ses filiales, elle n’exerce pas une « activité économique » et ne peut donc pas récupérer la TVA. Cela vise les sociétés holding dont l’objet unique est la prise de participations dans d’autres sociétés sans que celles-ci s’immiscent directement ou indirectement dans la gestion de ces sociétés. Au contraire, si la participation est accompagnée d’une immixtion directe ou indirecte dans la gestion des filiales, une telle immixtion constitue une « activité économique » lorsqu’elle implique la mise en œuvre de transactions soumises à la TVA telles que la fourniture de services administratifs, financiers, commerciaux et techniques par un holding à ses filiales (CJCE 27 septembre 2001 aff. 16/00, Cibo Participations SA).

Ainsi, la problématique des droits à déduction de la TVA n’est susceptible de concerner que les sociétés holding rentrant dans le second cas de figure, à savoir celles qui ne se contentent pas de détenir des participations dans des filiales mais qui s’immiscent directement ou indirectement dans leur gestion.

Initialement, le Conseil d’Etat jugeait que les holdings ne pouvaient déduire que partiellement la TVA grevant les frais liés à la détention de participation dans les filiales au motif que l’activité de gestion des participations est située hors du champ d’application de la TVA (CE, 27 juin 2012, n°350526, société Ginger). Le juge national distinguait donc au sein des activités exercées par la société holding, une activité non économique, la détention de parts sociales (en sa qualité « d’actionnaire »), et une activité économique, l’immixtion dans la gestion des filiales (en sa qualité de « prestataire »), et parmi lesquelles il convenait d’affecter la part réelle des dépenses acquittées en amont. Ce mode de calcul de la « clef de répartition » devait indiquer la part des frais admise en déduction de la taxe composée des seules dépenses imputables aux activités économiques de l’assujetti.

Puis le Conseil d’Etat est revenu sur sa position dans un renvoi portant sur la même affaire (CE 20 mai 2016 n°371940, société Ginger), et en se ralliant à la position de la CJUE (CJUE 16 juillet 2015 aff. 108/14 et 109/14, Beteiligungsgesellschaft Larentia + Minerva mbH & Co. KG) a jugé que les sociétés holding qui s’immiscent dans la gestion de leurs filiales exercent une « activité économique » situé dans le champ d’application de la TVA même si elles perçoivent par ailleurs des dividendes non soumises à la TVA de leurs filiales. Autrement dit, la perception de dividendes en provenance des filiales ne saurait dégrader les droits à déduction de la taxe de la société holding. Par conséquent, les frais liés à la détention de participations dans ses filiales supportés par une société holding qui participe à leur gestion ouvrent droit à déduction intégrale (qu’il y ait un lien direct et immédiat entre les opérations en amont et en aval ou même en l’absence d’un tel lien, lorsque les coûts font partie des « frais généraux » de la société holding et constituent des éléments du prix des biens ou des services fournis aux filiales). Et ce n’est que dans l’hypothèse où ces frais ont été affectés pour partie à d’autres filiales pour lesquelles la société holding ne participe pas de leur gestion que la TVA correspondant à ces frais ne peut être déduite que partiellement.

Dans la présente affaire, une société holding hongroise était chargée de la gestion stratégique du groupe et avait eu recours à des services juridiques, de gestion d’entreprise et de relations publiques sans pour autant les refacturer à ses filiales. La société holding a déduit la TVA afférente à ces services alors que la gestion stratégique du groupe était opérée à titre gratuit.

L’administration fiscale hongroise a remis en cause cette déduction de la taxe au motif que la société holding était le bénéficiaire final de ces services.

La question qui se posait en l’espèce était de savoir si une société holding active qui ne répercute pas sur ses filiales le prix des services ni la TVA correspondante peut exercer son droit à la déduction de la TVA ?

La CJUE répond par la négative en jugeant que l’immixtion d’une société holding dans la gestion de ses filiales sans refacturer à ses dernières le prix des services payés dans l’intérêt de l’ensemble du groupe ou de certaine de ses filiales n’est pas une « activité économique ». Dans un tel cas, la société holding ne peut pas bénéficier des droits à déduction de la TVA portant sur les services acquis dans la mesure où ceux-ci ne se rapportent pas à des opérations relevant du champ d’application de la TVA.

Cette solution s’inscrit dans la jurisprudence communautaire qui considère qu’une simple immixtion d’un holding dans la gestion de ses filiales sans la mise en œuvre de transactions soumises à la TVA n’est pas une « activité économique » (CJCE 12 juillet 2001 aff. 102/00, Welthgrove).

Afin de préserver leurs droits à déduction à la TVA, les sociétés holding qui s’immiscent dans la gestion de leurs filiales doivent par conséquent recevoir une rémunération de la part de ces dernières pour les services acquis dans leur intérêt. Cette rémunération peut être globale et prendre la forme d’une rémunération générale pour la gestion stratégique du groupe.

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