Opérations de reprise: les oubliées du nouveau régime d’apport cession

Image1Olivier DE SAINT CHAFFRAY
Avocat Associé
CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE
Intervenant à la conférence « Vos stratégies patrimoniales face à l’abus de droit »  le jeudi 24 mars 2016, à Paris

Le régime du report d’imposition applicable à l’apport de titres à une société contrôlée (CGI art. 150-0 B ter), entré en vigueur le 14 novembre 2012, a fêté récemment son troisième anniversaire. Il s’avère hélas plus rigoureux (s’agissant notamment de la typologie des réinvestissements éligibles) que la jurisprudence rendue pour l’application des précédents dispositifs d’apport en différé d’imposition, qu’il était supposé légaliser. De sorte que sa mise en œuvre soulève de nombreuses difficultés, liées notamment à l’insuffisante prise en compte de la complexité des opérations de reprise. Illustrations…

Le projet de Bofip de juillet 2015, concernant l’article 150-0 B ter du CGI, a d’ores et déjà donné lieu à de nombreux commentaires, dans le cadre de la consultation publique dont il a fait l’objet. Pour autant, certaines difficultés pratiques affectent sensiblement la portée du dispositif et méritent d’être soulignées.
S’agissant du réinvestissement dans l’acquisition d’une fraction du capital ayant pour effet de conférer le contrôle, le remploi dans l’acquisition d’une holding animatrice de son groupe devrait être explicitement admis, compte tenu de l’assimilation habituelle de la holding animatrice à une société exerçant une activité opérationnelle.
Il est permis par ailleurs de se demander si, plus largement, pour tenir compte de façon plus complète des scénarios de cession, l’acquisition d’une holding passive (ou mixte) ayant pour objet exclusif (ou principal) de détenir une société opérationnelle enfreint réellement l’esprit du dispositif, dès l’instant où le sous-jacent est lui-même éligible. Nous ne le pensons pas.
S’agissant du réinvestissement par souscription en numéraire au capital d’une société, il est primordial de souligner que nombre d’opérations conduisent, traditionnellement, une holding (qui se trouve être l’animatrice du groupe) à capitaliser plusieurs niveaux de holdings intercalaires pour structurer ses acquisitions:
– un premier niveau (Holdco 1) pour former une structure de co-investissement associant les partenaires « long terme »,
– un second niveau (qui pourra comprendre autant de filiales -Holdco 2, Holdco 3, etc. que de projets d’acquisition) pour associer dans chaque holding d’éventuels managers et/ou partenaires minoritaires/financiers, structurer la dette et former un périmètre d’intégration fiscale propre à chaque acquisition, rendre des prestations de services internes à chaque sous-groupe, etc.
Holdco 2 (à l’instar de ses sociétés sœurs Holdco 3, Holdco 4, etc.), dans ce type de structuration usuelle, est généralement une holding « active », qui procède à l’acquisition de la holding animatrice d’un groupe cible.
Cette configuration, quoique parmi les plus courantes dans les opérations de reprise, semble en l’état partiellement incompatible avec le projet de Bofip dès l’instant où :
– seul un échelon de holding (pure) est autorisé entre la holding d’apport-cession et la cible ;
– l’interposition d’une holding « active » (Holdco 2, Holdco 3…), qui sans être animatrice effectue certaines prestations de services interne au groupe, ne figure pas au nombre des réinvestissements éligibles ;
– la société cible, en tant que holding animatrice de son groupe, n’est pas visée explicitement (mais par un renvoi au BOI relatif à l’article 150-0 D ter) parmi les remplois éligibles ;
– enfin, l’exigence selon laquelle un réinvestissement éligible doit être maintenu à l’actif (au cas présent de Holdco 2, Holdco 3…) pendant une durée de 24 mois, si elle doit se comprendre au sens strict (i.e. maintien de la cible à l’actif en tant que holding animatrice), se heurte à la contrainte selon laquelle un groupe ne peut être animé que par une seule holding (la fonction d’animation étant au cas présent exercée par la holding d’apport-cession). A tout le moins la doctrine administrative devrait-elle prendre en compte, et résoudre favorablement, les risques de « conflit d’animation » (entre la holding d’apport-cession et la cible quand celle-ci est une holding animatrice) au sein d’un groupe.
Comme on le voit, des schémas de co-investissement usuels s’avèrent en l’état difficilement conciliables avec le régime d’apport-cession.
Force est pourtant de constater que, nonobstant l’interposition de plusieurs niveaux de holding (passive et/ou active), l’investissement sous-jacent, en ce qu’il s’opère bien (in fine) dans des sociétés opérationnelles, et ce pour son complet montant, n’offense en rien l’intention du législateur.
Formons le vœu qu’en procédant aux aménagements qui autorisent la réalisation des opérations usuelles, l’administration concrétise l’intention fondatrice de « faciliter les restructurations d’entreprises et, par-là, de favoriser le maintien et le développement de l’activité économique »…

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