Le renforcement des échanges internationaux d’informations par Bruno Gouthière

Gouthière Bruno 2Bruno Gouthière
Avocat Associé
CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE
Intervenant à la conférence « Détention d’avoir à l’étranger et échange d’informations »  le 6 octobre 2015

La conférence consacrée à la détention des avoirs à l’étranger et aux échanges d’informations sera, en particulier, l’occasion de faire le point sur le nouveau cadre international qui se dessine en matière de contrôle fiscal international et qui résulte de la multiplication des instruments juridiques permettant l’échange de renseignements entre les administrations fiscales afin de faciliter le contrôle fiscal international. Depuis quelques années, en effet, les évolutions sont considérables.

Sur le plan multilatéral, d’abord, l’échange d’informations ciblées et complètes est considéré comme un moyen essentiel de lutte contre la fraude et l’évasion fiscales et contre la « planification fiscale agressive » ; les travaux relatifs à l’élaboration d’une nouvelle norme internationale plus contraignante se poursuivent au sein du comité des affaires fiscales de l’OCDE, du G20 et du Forum mondial sur la transparence et l’échange de renseignements à des fins fiscales, vaste enceinte multilatérale créée en 2001 qui rassemble plus de 120 États ou territoires. L’OCDE ne se contente plus, désormais, de recommander aux États de fournir des informations « sur demande » mais propose que soient mis en place des mécanismes d’échanges automatiques, au moins en ce qui concerne les informations détenues par les banques et les institutions financières. Un modèle multilatéral standardisé pour l’échange automatique est en cours d’élaboration et une nouvelle norme mondiale unique relative à l’échange automatique de renseignements est en voie de finalisation (CRS, pour « Common reporting standard ») ; cette norme exigera des États et territoires qu’ils se procurent un certain nombre d’informations financières et se les échangent automatiquement sur une base annuelle. L’instrument juridique utilisé pourrait être la Convention multilatérale concernant l’assistance administrative mutuelle en matière fiscale, initialement signée le 25 janvier 1988 entre les pays de l’OCDE et du Conseil de l’Europe mais dont les dispositions ont fait l’objet de renforcements successifs et qui a désormais été signée par 85 États ou territoires (au 24 février 2015). Dans le même esprit, 51 États ou territoires, dont la France, ont signé, le 29 octobre 2014, un « Accord multilatéral entre Autorités compétentes concernant l’échange automatique de renseignements relatifs aux comptes financiers » prévoyant que les premières informations devront être échangées pour septembre 2017.

Au sein de l’Union européenne, en second lieu, le mécanisme d’échange de renseignements qui est en place depuis 1977 (directive 77/799/CEE du Conseil du 19 décembre 1977) a été successivement renforcé par une directive du 15 février 2011 (directive 2011/16/EU) puis, en dernier lieu, par une directive révisée sur la coopération administrative, qui a fait l’objet d’un accord au Conseil Ecofin du 14 octobre 2014 avant d’être publiée au JOUE du 16 décembre 2014 (directive 2014/107/UE du Conseil du 9 décembre 2014 modifiant la directive 2011/16/UE en ce qui concerne l’échange automatique et obligatoire d’informations dans le domaine fiscal) ; cette directive, qui doit être incorporée en droit interne au plus tard le 31 décembre 2015, est applicable à compter du 1er janvier 2016 (les États membres devront collecter les informations nécessaires dès 2016 pour se les échanger pour la première fois en septembre 2017). En pratique, ces informations concerneront la plupart des revenus financiers payés, attribués ou détenus par un établissement financier au bénéfice direct ou indirect d’une personne physique résidente d’un autre État membre : dividendes, plus-values, tout autre revenu provenant d’actifs détenus sur un compte financier, tout montant pour lequel l’établissement financier est l’obligé ou le débiteur (y compris les rachats) et les soldes des comptes (on retrouvera en substance, au sein de l’Union européenne, les mêmes règles que celles qui se dessinent dans le cadre du Forum mondial). L’action de la Commission européenne se poursuit également sur un autre plan, celui de la communication systématique des « rulings » transfrontaliers (rescrits) ; un projet de proposition de directive est en cours de préparation sur ce point.

Dans un cadre bilatéral, enfin, la France a, au cours de ces dernières années, multiplié les avenants aux conventions fiscales afin d’y introduire la « norme OCDE » et, en particulier, de faire en sorte que l’échange de renseignements ne soit pas limité par les pratiques nationales tenant au secret bancaire (absence de possibilité d’opposer le secret bancaire pour refuser de communiquer une information) et aux clauses d’intérêt national (interdiction faite à un État de refuser de fournir une information au motif qu’il n’en a pas besoin aux fins de son propre contrôle fiscal). En outre, la France a signé avec les États-Unis, le 14 novembre 2013, un accord dit « FATCA » (« Foreign Account Tax Compliance Act ») qui est entré en vigueur le 14 octobre 2014. Si la loi américaine FATCA est, pour l’essentiel, destinée à renforcer le contrôle fiscal des Américains domiciliés hors des États-Unis, qui sont passibles de l’impôt sur le revenu aux États-Unis en raison des règles de territorialité américaines qui exigent l’impôt des ressortissants américains où qu’ils résident, l’accord franco-américain est bilatéral ; ainsi, l’administration fiscale française pourra disposer automatiquement des informations nécessaires au contrôle fiscal des personnes domiciliées en France et qui ont des comptes bancaires aux États-Unis, qu’elles soient ou non de nationalité américaine. L’échange doit porter sur les comptes existants au 30 juin 2014 et sur les flux financiers intervenant à compter de cette même date.

Toutes ces questions seront présentées et discutées en détail, sans oublier, naturellement, les aspects de procédure et notamment ceux qui touchent aux modalités pratiques des échanges, à leur utilisation effective dans le cadre des contrôles fiscaux et aux garanties dont bénéficient les contribuables.

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