Successions et libéralités : Interview de Pierre CENAC

Pierre CENAC
Notaire Associé fondateur
C&C Notaires
Intervenants à notre nouvelle conférence « Successions & libéralités », le mardi 20 et mercredi 21 juin 2017 à Paris

Dès lors que l’on souhaite mettre en place une planification successorale, quels conseils donneriez-vous ? Quels vont être les points de vigilance ?

C’est une connaissance poussée tant de la cellule familiale que de l’environnement patrimonial (financier, civil, fiscal) qui permet de travailler efficacement à une planification successorale. Les points de vigilance sont en réalité aussi variés que les actifs composant le patrimoine et que les différentes opérations de planification envisagées.

  • La première étape consiste à bien connaître chaque membre de la famille et à établir un état précis de leur patrimoine afin d’appréhender complètement les conditions de sa détention et de sa transmission (régime matrimonial, structures sociétaires, assurance-vie, démembrement de propriété, etc.). C’est notre capacité à la collaboration avec les différents interlocuteurs extérieurs (family office, avocat, expert-comptable, banquier, etc.) qui nous permet de travailler efficacement à ce stade.
  • La seconde étape sera de redéfinir si nécessaire les objectifs fixés initialement par nos clients pour tenir compte des différentes contraintes (civiles, économiques, fiscales, etc.) identifiées lors de la phase d’audit. C’est la partie plus technique de notre intervention et, parfois, la plus délicate, car les souhaits émis se confrontent à la réalité civile, économique et fiscale. Cette phase est essentielle car elle permet de dégager différentes pistes de réflexion et de hiérarchiser les priorités pour définir un calendrier. Chaque étape sera alors validée soigneusement pour sérier les opérations à mettre en œuvre au cours de la troisième étape, la phase opérationnelle.

Nous nous devons enfin de rester disponibles en cas d’évolution de la situation familiale (modification de la structuration du patrimoine, installation à l’étranger, naissance, mariage, divorce ou décès, etc.) pour refaire un point d’étape de la situation et ajuster le cas échéant les dispositions prises. Chaque évènement nécessite un peu de vigilance de notre part pour s’assurer que la planification réalisée reste opportune.

Une planification successorale réussie est celle qui permet de trouver un équilibre entre l’efficacité des mesures mises en oeuvre et leur réversibilité à des conditions économiques et fiscales raisonnables en cas de modification de la situation familiale ou patrimoniale.

Assistez-vous à des demandes de l’administration fiscale sur les successions et donations ? Sur quoi portent-elles ?

Les demandes se font naturellement plus fréquentes dès lors que le montant des droits est élevé, que le bénéfice d’un régime fiscal de faveur est sollicité (Dispositif Dutreil notamment), ou que l’opération permet une optimisation fiscale (donation avant cession). Ceci nous impose de demeurer vigilants notamment sur les valorisations retenues et sur le respect des conditions afférentes aux régimes de faveur sollicités.

Nous restons particulièrement attentifs en cas de donations avant cession, compte tenu des analyses du Comité de l’abus de droit fiscal et de la jurisprudence, sur le calendrier des opérations et la non-réappropriation par le donateur du produit de cession.

Nous observons également une vigilance de l’administration fiscale sur les prêts familiaux (parfois requalifiés en donations) et sur certaines opérations que l’administration tente de requalifier en donations indirectes ou déguisées.

L’un des points de vigilance marqué pour nous reste à mon sens de rappeler à nos clients de savoir fiscalement raison garder. Certains dispositifs fiscaux de faveur sont en effet particulièrement attractifs, au point de faire parfois perdre de vue les contraintes qui y sont attachées. Nous avons également parfois été confrontés à des souhaits d’expatriation pour des raisons principalement fiscales. Il est de notre devoir de donner à nos clients un aperçu comparatif de la fiscalité globale du patrimoine, qui se révèlera peut-être moins défavorable que prévu au droit français. Il n’est pas en outre inutile de rappeler à nos clients le fait que l’aversion à l’impôt peut être mauvaise conseillère dès lors qu’il s’agit de faire des choix de vie importants…

Laisser un commentaire