La soulte au centre des préoccupations de l’apport-cession – Itw de Me Nicolas Message

nicolasmessage_sitezoomNicolas MESSAGE
Avocat Associé
FTPA
Intervenant EFE à la conférence « Transmission d’entreprise et transfert de résidence Belgique, Portugal, Royaume-Uni ou Suisse » le mardi 21 et le mercredi 22 juin 2016 à Paris

Boris Massoutier, responsable des départements Fiscalité et Gestion de patrimoine – EFE : lorsque vous abordez la question de la cession de l’entreprise avec vos clients, quelles sont leurs premières préoccupations ?

Pour la plupart des clients, leur entreprise est le fruit du travail de toute une vie. Ainsi, ils souhaitent valoriser au mieux leur entreprise et, par conséquent, que sa cession se réalise dans les meilleures conditions financières. La fiscalité rentre bien évidemment en compte puisque leur souhait est de diminuer au maximum l’impact fiscal de cette transmission, qu’elle soit réalisée à titre gratuit ou à titre onéreux. Dans ce dernier cas, des donations peuvent toutefois faire partie du schéma d’optimisation.

Boris Massoutier : concentrons-nous, si vous le voulez bien, sur le volet fiscal. Si rien n’est prévu en amont, à combien s’élève en moyenne la facture fiscale de l’opération par rapport à la plus-value générée ?

Le nouveau dispositif d’imposition des plus-values peut rendre la cession très onéreuse. Mais, dans la plupart des cas, des abattements pour durée de détention peuvent s’appliquer réduisant souvent radicalement la facture fiscale, notamment si le cédant part en retraite ou a créé l’entreprise il y a plus de 8 ans. Classiquement, on constate que la facture fiscale est comprise entre un quart et un tiers du prix de cession.

Boris Massoutier : la mise en place d’un apport cession demeure aujourd’hui un schéma efficace mais éculé. Cependant malgré l’encadrement législatif du régime ces derniers années, les cas d’abus de droit alimentent toujours les redressements fiscaux : comment l’expliquez vous ?

Tout d’abord, les cas jugés actuellement sont les opérations réalisées sous l’ancien régime. Les décisions rendues apportent cependant un éclairage intéressant aux autres dispositifs législatifs sur lesquels peuvent reposer des apports-cessions tels que les articles 150-0 B et 150-UB du CGI. Ensuite, même si le nouveau régime d’apport à une société contrôlée depuis le 14 novembre 2012 est très encadré par la loi et donc semble exempt de tout risque d’abus de droit, il n’en est pas pour autant ainsi. En effet comme nous le verrons probablement dans la suite de cet entretien, la soulte reçue en contrepartie de l’apport des titres sociaux est rentrée dans la ligne de mire de l’administration fiscale lorsqu’elle considère que celle-ci ne présente pas d’intérêt économique pour la société bénéficiaire de l’apport.

Boris Massoutier : et qu’en est-il de la soulte, dans quelles proportions le contribuable peut-il récupérer des liquidités sans risque ?

Les articles 150-0 B, 150-0 B ter et 150-UB du CGI limitent l’application du sursis ou du report d’imposition aux opérations pour lesquelles le montant de la soulte reçue par le contribuable n’excède pas 10 % de la valeur nominale des titres reçus. Cette condition s’apprécie au niveau de chaque contribuable concerné : il convient dès lors de comparer globalement, pour l’ensemble des titres qu’il a échangés, la soulte avec la somme de la valeur nominale des titres reçus. En cas d’absence de valeur nominale des titres reçus, la soulte s’apprécie par rapport au pair comptable de ces mêmes titres. La notion de pair comptable qui se substitue dans certains États à celle de valeur nominale s’entend de la valeur qui résulte de la division du montant du capital libéré d’une société par le nombre de titres émis.

Lorsque la condition relative à l’importance de la soulte est remplie, l’opération d’échange ouvre droit au sursis ou au report d’imposition y compris en ce qui concerne le montant de la soulte reçue qui n’est donc pas imposée immédiatement. En cas de cession ultérieure des titres reçus en échange, le montant de la soulte reçue est pris en compte pour la détermination du prix d’acquisition des titres remis à l’échange.

Toutefois, l’administration est venue préciser au désormais célèbre paragraphe 170 de sa doctrine du 4 mars 2016 que « toutefois, l’administration a toujours la possibilité, dans le cadre de la procédure de l’abus de droit fiscal, prévue à l’article L. 64 du LPF, notamment d’imposer la soulte reçue, s’il s’avère que cette opération ne présente pas d’intérêt économique pour la société bénéficiaire de l’apport, et est uniquement motivée par la volonté de l’apporteur d’appréhender une somme d’argent en franchise immédiate d’impôt et d’échapper ainsi notamment à l’imposition de distributions du fait de ce désinvestissement ». La soulte nous semble donc réservée aux cas dans lesquels la société bénéficiaire recueille des apports de personnes différentes et aura pour fonction de rééquilibrer au moins partiellement leurs participations.

Elle peut être aussi utilisée dans l’hypothèse dans laquelle les associés s’interdisent de percevoir la soulte stipulée tant que la société n’a pas atteint un certain niveau de capitaux propres, c’est-à-dire tant qu’elle n’est pas en mesure d’assurer le développement de ses propres activités avant tout paiement de sa dette envers l’apporteur.

Boris Massoutier : comment articulez-vous l’apport cession avec d’autres dispositifs pour être plus efficace ?

Le régime de l’apport-cession est cumulable avec d’autres dispositifs fiscaux afin d’augmenter son efficacité. En effet, il peut être envisageable de transférer, après l’apport, sa résidence fiscale dans un autre Etat afin d’obtenir le dégrèvement de la plus-value en report, devenue exit tax, après l’expiration d’un délai de 15 ans. En outre, lorsqu’une transmission, notamment aux enfants, est souhaitée, il est préférable d’intercaler une donation entre l’opération d’apport et la cession plutôt que de procéder à la cession puis à la donation du prix de cession. En effet, la donation des titres reçus en contrepartie de l’apport permettra de purger l’impôt sur le revenu et les prélèvements sociaux afférents à la plus-value en report d’imposition, sous réserve, là encore, du respect de certains délais. En tout état de cause, la mise en place de ces mécanismes nécessite le respect de conditions précises afin de bénéficier des avantages fiscaux qui y sont attachés.

 

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