Interview d’Arlette Darmon, Présidente du Groupe Monassier sur les successions internationales

Office Notarial Monassier et Associés - Portraits rombiArlette Darmon
Notaire à Paris
Présidente du Groupe Monassier
Intervenante à la conférence « Successions internationales » organisée en partenariat avec le Groupe Monassier, le jeudi 18 juin 2015 à Paris

Myriam Huberman, Responsable des départements Fiscalité et Gestion de patrimoine chez EFE: « le Règlement de la Commission Européenne du 4 juillet 2012 va-t-il réellement tout changer en matière de successions internationales ? »

Arlette Darmon: « Tout changer, certainement pas, mais ce règlement européen va considérablement simplifier le traitement des successions internationales.
Aujourd’hui encore et jusqu’au 17 août prochain, une succession internationale se traduit souvent par un conflit de lois.

Pour résumer, au regard des systèmes juridiques traitant des problématiques successorales de par le monde, deux systèmes s’opposent : d’une part les règles dites scissionnistes, d’autre part les règles tendant à l’unité successorale.

Le système de la scission se caractérise par l’application de la loi du dernier domicile du défunt pour les meubles, et de la loi de la situation des biens pour les immeubles. En conséquence, on assiste à un morcellement du patrimoine successoral en plusieurs masses auxquelles s’appliquent des règles de droit différentes selon les pays. C’est ce système qui a été adopté par la France mais également par la Belgique, la Grande Bretagne, les États-Unis…

Le système de l’unité, quant à lui, repose en droit international privé sur un seul et même critère de rattachement pour l’ensemble du patrimoine successoral.
La loi applicable peut être celle de la nationalité du défunt (système adopté notamment par l’Allemagne, l’Espagne, l’Italie ou le Portugal), ou bien être celle du dernier domicile du défunt (système adopté notamment par le Danemark, la Norvège, l’Argentine…).

Afin d’éviter d’éventuelles difficultés liées aux conflits de loi, on pouvait imaginer régler sa succession par anticipation en désignant une seule et unique loi.
Malheureusement cette technique connue en droit international privé sous le nom de professio juris, simple traduction de l’autonomie de la volonté, n’était pas admise par le droit français, alors même que d’autres pays comme la Suisse ou les pays de common law, admettent et admettaient la professio juris.

Il fallait donc faire évoluer notre droit afin d’unifier les règles civiles. »

« Quelles seront donc les nouvelles règles de conflit et que va apporter le nouveau règlement européen ? »

Arlette Darmon: « Sans aller jusqu’à adopter des règles communes pour le traitement des successions, les pays membres de l’Union européenne ont souhaité soumettre le traitement des successions internationales à une seule et même loi pour l’ensemble du patrimoine.

Ce règlement européen retient donc une loi unique pour l’ensemble de la succession mais offre, également, à chacun la possibilité de choisir la législation qu’il souhaite voir appliquer à sa succession.
Néanmoins, la professio juris est limitée à la loi de sa nationalité, même s’il s’agit de la loi d’un État non membre de l’Union européenne.
Cette option devra, bien sûr, être formulée dans une disposition expresse revêtant la forme d’une disposition à cause de mort.

Si le défunt n’a pas, de son vivant, choisi la loi applicable à sa succession, alors la loi unique qui s’imposera sera celle de sa dernière résidence habituelle au moment de son décès.
Toutefois, lorsqu’il résulte de l’ensemble des circonstances qu’au moment de son décès, le défunt présentait des liens manifestement plus étroits avec un autre État, la loi qui prévaudra sera celle de ce dernier.

Ce règlement européen va donc permettre de faire disparaître les conflits de loi dans la majorité des successions présentant un élément d’extranéité.
Il s’appliquera dans les États membres de l’Union Européenne à l’exception de trois pays qui ont souhaité rester hors champ d’application du règlement, à savoir : le Royaume-Uni, l’Irlande et le Danemark.

Il est important de préciser que ce règlement, même s’il est européen, a une vocation universelle.
Cela signifie que toutes les lois sans exception peuvent être désignées à travers le règlement, et non pas simplement celles des États signataires.
Le règlement aura également vocation à s’appliquer, quand bien même le défunt avait la nationalité d’un État tiers, lorsque ce dernier avait sa dernière résidence habituelle dans un État signataire.

Plus qu’une innovation, ce règlement européen est presque une révolution dans le traitement civil des successions présentant un élément d’extranéité. »

Pour découvrir le programme: PROGRAMME

 

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