TVA et « Fraude carrousel » : quelles nouvelles mesures prises en 2013 ?

Sophie-DSophie Dorin
Avocat
TAJ – Société d’avocats
Member of Deloitte Touche Tohmatsu
Intervenante EFE à la formation « Fraude fiscale et Fraude carrousel » le 13 février 2013 à Paris

L’actualité fiscale est marquée par la lutte contre la fraude dans tous les domaines. En TVA, elle a pris une telle ampleur qu’il lui a été donné un nom : la fraude carrousel.

Cette fraude carrousel, initialement concentrée sur les livraisons de bien intracommunautaires, a vu son champ d’action élargi aux prestations de services. Elle a aussi été complexifiée par l’insertion, dans les chaînes de transactions, d’opérateurs de bonne foi qui n’ont d’autres rôles que de servir de fournisseur, de client ou tout simplement de société tampon pour égarer le contrôle de l’administration fiscale de chaque État-Membre.

Dans la mesure où la fraude carrousel entraine des pertes de budget importantes et fausse le fonctionnement du marché intérieur, la France a souhaité renforcer son dispositif législatif existant par des mesures plus agressives dans la continuité de la politique qu’elle a aussi entrepris dans le cadre de l’Union Européenne.

Deux mesures phares instaurées en 2013 reflètent cette volonté étatique de lutte contre la fraude carrousel.

La première mesure est l’adoption, le 22 juillet 2013, de la Directive 2013/42/UE du Conseil introduisant un article « 199 ter » au sein de la Directive TVA. En effet, aux termes de cet article, directement applicable au sein de tout État-Membre, il est prévu un « mécanisme de réaction rapide » appelé communément  « MRR » visant à lutter contre la « fraude fiscale soudaine et massive susceptible d’entrainer des pertes financières considérables et irréparables ».

La mesure introduit une procédure d’approbation accélérée et simplifiée destinée à permettre à l’État-Membre concerné d’appliquer, pendant une période limitée, le mécanisme d’auto-liquidation de la TVA à des secteurs non déjà couverts par ce dispositif. La commission a illustré son fonctionnement en prenant le 11 décembre 2013 une décision d’exécution négative à l’encontre de la Hongrie qui sollicitait l’application de la MRR pour une fraude TVA dont la nature n’a pas été jugée « soudaine » au sens de l’article 199 ter de la Directive 2006/112/CE.

La loi de finances pour 2014 a transposé ce dispositif communautaire en instaurant un article 283.2 decies au Code général des impôts qui prévoit que « lorsqu’il est constaté une urgence impérieuse tenant à un risque de fraude à la taxe sur la valeur ajoutée présentant un caractère soudain, massif et susceptible d’entrainer pour le Trésor des pertes financières considérables et irréparables, un arrêté du ministre chargé du budget prévoit que la taxe est acquitté par l’assujetti destinataire des biens ou preneur des services».

La deuxième mesure importante est l’adoption de la loi n° 2013-1117 relative à la lutte contre la fraude fiscale et à la grande délinquance économique et financière en date du 6 décembre 2013. De nombreuses dispositions concernent la fraude fiscale mais il en est une qui concerne particulièrement la fraude Carrousel en ce qu’elle autorise un contrôle de  la délivrance et du maintien du numéro de TVA intracommunautaire.

En effet, le nouvel article L 10 BA du LPF  permet tout d’abord à l’administration fiscale de demander, à tout opérateur souhaitant s’immatriculer en France, des « informations complémentaires » quant à son activité économique ou à son intention d’en réaliser une D’autre part, il autorise aussi l’administration à refuser l’octroi du numéro individuel d’identification ou à l’invalider dans quatre cas particuliers notamment en l’absence de réponse sous un délai de 30 jours à compter de la réception de sa demande ou lorsque « des modifications de données n’ont pas été communiquées ».

L’objectif visé est de prévenir et invalider l’attribution du numéro de TVA aux sociétés sans substance économique qui servent de pilier à la fraude.

Ces deux dispositifs démontrent tout l’enjeu que représente la fraude carrousel pour l’Union Européenne et pour chacun des États-Membres, pris individuellement. En ce sens, les dispositions prises pour lutter contre ce fléau sont bienvenues.

En revanche, les États-Membres et la France en particulier doivent s’assurer que les mesures mises en œuvre ne contreviennent pas aux principes de proportionnalité et de sécurité juridique dégagés par la jurisprudence européenne. Au cas particulier, il pourrait être reproché aux dispositions de l’article L10 BA du LPF d’aller à l’encontre des principes de sécurité et de proportionnalité dégagés par la Cour de Justice de l’Union Européenne.

Il conviendra, dans la pratique, de s’assurer que ce n’est pas le cas.

2 Commentaires

  • Bonjour,

    Merci pour vos éclaircissement sur le sujet cependant je me questionne sur une chose. La Belgique a mis en place un système automatique qui extrait d’une base donnée les balances TVA dites à risques. Moyennant des algorithmes et une centralisation des informations, les employés fiscaux Belges peuvent extraire en 2 clic dans leur système les cas à étudiés du jour. Je ne vous rappelle bien sûr pas la méthode de la France, en gros une armada de fiscaliste qui tapent au hasard sans résultat bien sûr.

    Comme vous le savez; ouvrir un compte dans un paradis fiscal via des Scté Offshore est plus que simple de nos jours. Ma question est simple, on sait que la fraude fiscale et uniquement sur le carroussel de la TVA représente sur 2 ans le trou de la Sécurité Social, alors pourquoi ne pas investir un minimum comme le système Belge. Je vous rappelle que l’état, à ce jour, ne met rien en œuvre dans ce sens. A part augmenté les taxes poussant ainsi les gens a frauder encore plus. Sommes nous gouvernés par des ânes ?

    Je fais immédiatement le parallèle avec le fait que les frontaliers travaillant hors de France se voit être rattachés directement à la Sécurité Social à un prix plus que fort puisque que l’on parle du revenu fiscal de référence à 6 voir 8 et à terme plus de 10%.

    Le système fiscal est obsolète, les outils de contrôles sont inexistant et j’ai fort l’impression que n’importe quel opportuniste peut s’enrichir chichement avec de tels trous béant. Et ce ceci est une évidence, preuve en est, il faut avoir du courage pour dire devant une caméra que l’on a pas de compte en Suisse et se faire attraper 15 jours après. Bien sûr cette personne n’étant pas une personne lambda, il ne craint rien.

    Il n’y a ni justice ni règle, de l’impunité pour certaines élites, des hausses de taxes et TVA, je vous pause la question, dont je connais déjà les réponses :

    1/ Est-ce investir pour des systèmes « anti-fraudes » à la Sécu et sur le système fiscal est selon vous la meilleure approche ?
    2/ Etes vous d’accord que le fait d’augmenter les taxes, engendre de cause à effet encore plus de fraudes ?
    3/ Puis-je attaquer l’état pour laxisme aggravé sur ces sujets et comment ?
    4/ L’état se sert clairement sur les recettes fiscales pour remercier les ministères (qui n’ont rien fait), on augmente les taxes et nous sommes toujours plus laxiste avec les élites. Vous le sentez comment ?

    Sachez que des gens qui étaient honnête aujourd’hui ne le seront plus demain et cela est assuré, le seul responsable est l’état !!!!

    Merci et bonne journée

  • Bonjour,
    Aujourd’hui je viens de voir ce blog et cela me fais bien rire …
    Je me demande franchement, comment peut-on croire que des enquêteurs qui ont eu leur poste suite à des concours internes (Exemple en france pour les enquêteurs des finances publiques) et qui se font manipuler et berner aussi facilement par des escrocs qui sont des spécialistes. Je vous dirais que si l’on veut réellement arrêter le fléau, nous devrions prendre model sur des pays qui utilisent d’anciens escrocs repenti plutôt que de personnes qui ne savent même pas les rouages des arnaques actuelles.
    J’en prends pour exemple le mois derniers dans le nord de la France, ou les finances publiques reverse près de 60 000 euros par mois à une chaines de sociétés fictives sans se douter de quoi que ce soit, et refuse de rembourser 14000 euros à une petite entreprise tout à fait légale avec une activité déclaré mais qui venait de se créer et qui a due fermer ses portes suite au manque de trésorerie.
    Je prends exemple aussi des Master de Aix-marseille qui forme des Master2 en criminalité financière avec un programme qui est totalement désuet et qui forme ces futurs jeunes à combattrent d’anciens loups de l’escroqueries.
    Arrêter de croire que l’on peut combattre cela avec des lois et des services incompétentes, car il y aura toujours une faille ou un avantage à tirer d’un système ou d’une lois.
    On ne combat pas le feu avec du bois … on ne chasse pas un gibier avec un agneau.

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