Quelques limites jurisprudentielles au principe de solidarité fiscale

Ève OBADIA
Avocat Conseil Fiscal
Cabinet OBADIA
Intervenante EFE, formation « Redressements fiscaux – Actualité 2010 » 23 novembre 2010, Paris

Le principe de la responsabilité solidaire en matière fiscale est au nombre des outils mis à la disposition de l’administration fiscale par le Code général des impôts afin de faciliter tant l’exercice par celle-ci de son droit de reprise que le recouvrement d’impositions qui peuvent in fine s’avérer difficiles à appréhender.

L’administration tire ainsi les conséquences pratiques d’un principe posé par plusieurs articles du Code général des impôts et tendant, notamment, à reconnaître l’existence d’une solidarité entre les époux tant en matière d’impôt sur le revenu que d’impôt de solidarité sur la fortune, entre les héritiers dans le cadre de la succession d’un parent défunt ou encore entre un cédant et un cessionnaire lors d’une opération de cession de fonds de commerce.

De même, à titre purement répressif, le Code général des impôts prévoit également la mise en œuvre d’une solidarité entre la société et son dirigeant, voire son cocontractant, aux fins de paiement de certaines impositions fraudées – dans le cas de la fraude fiscale punie pénalement sur le fondement de l’article 1741 du Code général des impôts – ou de certaines amendes telles que l’amende pour distributions occultes prévue par l’article 1759 du même code ou l’amende pour paiement en espèces prévue par l’article 1840 J dudit code.

La mise en œuvre de ce principe par l’administration a donné lieu jusqu’à présent à un contentieux fourni auquel viennent s’ajouter deux intéressantes décisions rendues récemment.

I. La solidarité et le droit de reprise de l’administration

Il est désormais de jurisprudence constante qu’en présence de débiteurs solidaires, l’administration n’est ni tenue de suivre l’intégralité de la procédure avec l’ensemble des débiteurs, ni tenue de notifier les rectifications proposées à chacun d’entre eux. Il lui suffit traditionnellement de notifier un redressement à l’un quelconque des débiteurs solidaires pour que cet acte soit opposable aux autres débiteurs et interrompe valablement la prescription à l’encontre de chacun d’entre eux.

La Cour de cassation a récemment opéré la conjugaison de ce principe de solidarité fiscale avec deux autres principes que sont le caractère contradictoire de la procédure et le devoir de loyauté qui incombe à l’administration lorsqu’elle procède à des redressements.

Dans un arrêt « Marie » du 18 novembre 2008, la Cour a ainsi sanctionné l’administration en prononçant l’irrégularité de la procédure de contrôle dès lors que l’administration avait notifié les redressements à l’un des débiteurs et avait, par la suite, notifié l’avis du CCRAD à un autre débiteur tout en poursuivant le premier en recouvrement. Ce procédé avait eu pour effet de créer une confusion contraire tant au caractère contradictoire de la procédure qu’au devoir général de loyauté (Cass. com. 18 novembre 2008, DGI c/Marie, n° 07-19762).

II. La solidarité et le recouvrement des impositions et pénalités

De même que l’administration est en droit de mener une procédure de contrôle à l’égard de l’un des codébiteurs solidaires, elle reste en mesure de poursuivre le recouvrement des sommes dues à l’encontre de l’un quelconque des codébiteurs. Il en va ainsi du recouvrement des impositions supplémentaires découlant des opérations de contrôle comme des amendes et pénalités pour lesquelles la solidarité est expressément prévue par le Code général des impôts.

L’article 1682 du Code général des impôts prévoit, en effet, que le rôle régulièrement décerné est exécutoire à l’encontre du contribuable au nom duquel il est émis mais également à l’encontre de ses représentants et ayants-cause. N’entrent pas dans ces deux catégories les simples cocontractants du débiteur principal d’impositions, fussent-ils considérés, en application d’une disposition particulière du Code général des impôts, comme étant solidairement tenus du paiement des impositions supplémentaires dues par le débiteur principal.

Ainsi, la Cour administrative d’appel de Paris a récemment prononcé la décharge d’impositions dont le recouvrement avait été poursuivi à l’encontre d’un débiteur solidaire dans la mesure où les actes de poursuite délivrés à son encontre n’avaient été précédés d’aucune émission d’un titre exécutoire ; l’administration fondant exclusivement les poursuites sur le titre exécutoire délivré au débiteur principal (CAA Paris, 10 mars 2010, Sté Aristo club, n°07PA03827).

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