Déduction TVA non facturée initialement

Article rédigé par Me Rémi Castebert et Me Vincent Huang, avocats à la Cour – NMW Delormeau

Le délai de forclusion du droit à déduction d’une TVA non facturée initialement court à compter de la réception de la facture rectificative

Dans deux arrêts en date du 21 mars 2018 et 12 avril 2018 (CJUE 21 mars 2018 aff. 533/16 et CJUE 12 avril 2018 aff. 8/17), la CJUE se prononce sur la question du point de départ du délai de péremption du droit à déduction correspondant à la TVA qui ne figurait pas dans la facture initiale du fournisseur (soit parce que l’opération avait été considérée à tort comme exonérée de TVA, soit parce que le taux de TVA réduit a été appliqué au lieu du taux de TVA normal). La Cour juge que lorsqu’un assujetti reçoit une facture rectificative mentionnant une TVA déductible qui ne figurait pas dans la facture initiale du fournisseur, le délai de forclusion ne court pas à compter de la date de livraison des biens ou de celle de l’émission des factures initiales, mais à compter de la réception de la facture rectificative.

Pour rappel, le droit à déduction prend naissance lorsque la taxe déductible devient exigible chez le fournisseur (condition de fond) mais l’assujetti ne peut exercer son droit à déduction que lorsqu’il est en possession de la facture (condition de forme) (CJUE 29 avril 2004 aff. 152/02, Terra Baubedarf-Handel GmbH).

Si l’assujetti omet d’exercer son droit à déduction dans la déclaration sur laquelle la taxe omise aurait dû normalement figurer, alors qu’il est en possession de la facture, celui-ci peut néanmoins faire valoir son droit à déduction sur les déclarations ultérieures souscrites jusqu’au 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de l’omission (délai de forclusion).

En revanche, dans l’hypothèse d’une TVA omise, en tout ou partie, dans la facture initiale du fournisseur, la question du point de départ du délai de forclusion peut légitimement se poser.

En effet, dans un tel cas, il peut arriver que l’assujetti ne soit plus en mesure de faire valoir son droit à déduction dès lors que le délai de forclusion aurait commencé à courir et aurait expiré bien avant que la régularisation du droit à déduction ne puisse être valablement exercée, lors de la réception des factures rectificatives.

Dans l’affaire Volkswagen, des sociétés slovaques et allemandes avaient livré à la société Volkswagen AG des moules destinés à la fabrication de phares pour les véhicules automobiles.

Les sociétés fournisseurs avaient considéré à tort qu’il ne s’agissait non pas de livraisons de biens, mais de « compensations financières », exonérées de TVA.

Dans l’affaire Biosafe, la société Biosafe avait vendu à la société Flexipiso, du granulat de caoutchouc fabriqué à partir de pneus recyclés, en appliquant un taux réduit de TVA de 5 %.

Dans les deux espèces, les fournisseurs ont commis des erreurs dans la détermination du régime de TVA réellement applicable à leurs opérations. Dans l’affaire Volkswagen, les fournisseurs se sont rendu compte que les opérations en cause devaient s’analyser comme des livraisons de biens et donc être taxables. Dans la seconde affaire, la société Biosafe a fait l’objet d’un contrôle fiscal au cours duquel l’administration fiscale portugaise a estimé que le taux normal de TVA de 21 % aurait dû être appliqué.

Dans ces affaires, les fournisseurs ont alors adressé des « factures rectificatives » à leur cliente.

Dans l’affaire Volkswagen, la société Volkswagen AG a sollicité le remboursement de la TVA correspondante auprès de l’administration fiscale slovaque, laquelle a rejeté sa demande au motif que le délai de forclusion était expiré. Cette dernière a estimé que le droit au remboursement de la TVA était né à la date de la livraison des biens (lorsque la TVA était devenue exigible).

Dans l’affaire Biosafe, la société Biosafe s’est acquittée des sommes dues en vertu du redressement et en a demandé le remboursement à son client. Ce dernier a refusé de payer le complément de TVA au motif qu’il était forclos pour procéder à sa déduction.

Dans ces arrêts, la CJUE juge que dans l’hypothèse d’une opération initialement non taxée ou taxée à un taux inférieur à celui normalement applicable, le délai de forclusion court à compter de la réception de la facture rectificative émise par le fournisseur, sauf en cas d’abus ou de collusion frauduleuse avec le fournisseur. Autrement dit, si l’assujetti ne pouvait pas objectivement ignorer que la TVA était due au titre de l’opération, cette faculté ne devrait donc pas être applicable.

A noter que la doctrine administrative française précise qu’en cas de rappel de TVA, un redevable peut adresser à son client une facture rectificative et dans ce cas, ce dernier est alors autorisé à opérer la déduction du complément de taxe jusqu’au 31 décembre de la deuxième année qui suit celle de la facturation rectificative (BOFIP BOI-TVA-DED-40-20-20130308 n° 80).

La doctrine administrative française est donc plus favorable que la jurisprudence de la CJUE dans l’hypothèse visée puisqu’elle ne subordonne pas le bénéfice de la déduction de la taxe à la bonne foi de l’assujetti.

Rémi Castebert
Avocat à la cour
NMW Avocats

Intervenant au sein des conférences EFE

Rémi Castebert est avocat au sein des départements fiscal et immobilier du cabinet NMW avocats. Il intervient en matière de fiscalité immobilière et accompagne des groupes de sociétés français et étrangers sur l’ensemble de leurs problématiques fiscales complexes (structurations, audit et opérations de revue fiscale, restructurations, fusions acquisitions, intégration fiscale et international tax planning etc.) et les assiste également dans le cadre de contrôle fiscal et de contentieux fiscal.

Vincent Huang
Avocat à la cour
NMW Avocats

 

www.nmwdelormeau.com

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