Cessions de parts de SCI à l’IR : Une plus-value de cession de parts doit tenir compte de la plus-value exonérée réalisée par la SCI

Cessions de parts de SCI à l’IR : Une plus-value de cession de parts doit tenir compte de la plus-value exonérée réalisée par la SCI

Complétant sa jurisprudence « Quemener » et « Baradé », le Conseil d’Etat dans sa décision du 8 novembre 2017 (CE, 8 novembre 2017, n° 389990) juge que, pour le calcul de la plus-value sur cession de parts réalisée lors de la liquidation-partage d’une SCI, le prix de revient des parts doit être majoré de la quote-part revenant à l’associé d’une plus-value exonérée réalisée par la société.

Le Conseil d’Etat juge que, pour le calcul de la plus-value sur cession de parts d’une SCI, il y a lieu de majorer la valeur d’acquisition desdites parts par l’associé de la quote-part lui revenant de la plus-value immobilière exonérée réalisée par la SCI. Ce faisant, il confirme l’arrêt de la cour administrative d’appel de Nancy (CAA Nancy 8 décembre 2011 n° 10NC01337) et complète utilement sa jurisprudence « Quemener » et « Baradé ».

Le prix de revient des parts de sociétés soumise au régime fiscal des sociétés de personnes doit être corrigé pour le calcul de la plus-value de cession.

La plus ou moins-value réalisée lors de la cession de parts d’une société soumise au régime fiscal des sociétés de personnes doit être calculée en ajustant le prix de revient des parts afin d’éviter que la cession se traduise par une double imposition ou une double déduction des résultats précédemment pris en compte par le cédant.

Le principe de ce mécanisme de correction d’essence jurisprudentielle a été posé à l’origine par le Conseil d’Etat dans un arrêt « Quemener », pour le calcul d’une plus-value de cession de parts réalisée par un associé dans un cadre professionnel (CE 16-2-2000 n° 133296).

Il a par la suite été étendu par la Haute Juridiction, dans un arrêt « Baradé », aux plus-values de cession de titres de sociétés à prépondérance immobilière réalisées sous le régime en vigueur avant 2004 (CE 9-3-2005 n° 248825).

Les faits de l’espèce étaient les suivants : à la suite de la cession par une SCI de la moitié de l’ensemble immobilier qu’elle détenait, ayant généré une plus-value exonérée d’impôt du fait de l’application de l’abattement pour durée de détention alors en vigueur, prévu à l’ancien article 150 M du CGI, les deux associés avaient décidé sa dissolution anticipée.

L’associé en cause a perçu aux termes de l’acte de liquidation-partage, en 2004, le produit de la vente immobilière réalisée (l’autre se voyant attribuer la moitié restante de l’immeuble). L’administration a imposé sur le fondement de l’article 150 UB du CGI la plus-value de cession de parts réalisée à cette occasion.

Cette imposition a été confirmée par le juge de première instance, mais le contribuable a fait appel et obtenu gain de cause devant la cour administrative d’appel de Nancy (arrêt précité du 8-12-2011). L’administration s’est alors pourvue en cassation contre cette décision, que le Conseil d’Etat a cassée sur un moyen d’erreur matérielle, sans trancher la question juridique (CE 30-12-2013 n° 356551).

Sur renvoi, la même Cour d’appel de Nancy a, cette fois, refusé de prendre en compte, dans le correctif apporté au prix d’acquisition des parts, les bénéfices réalisés sous forme de plus-values par la SCI lors de la cession des biens immobiliers qu’elle détenait, au motif notamment que ces plus-values n’avaient pas, compte tenu de la durée de détention des biens par la société, donnée lieu à imposition entre les mains du contribuable, de sorte qu’il ne pouvait se plaindre d’aucune double imposition. Le contribuable s’est dès lors pourvu à son tour en cassation contre cette décision de renvoi défavorable.

Cette correction doit tenir compte des bénéfices non imposés au nom de la société du fait d’un avantage fiscal accordé à titre définitif.

Le dispositif de correction issu de la jurisprudence « Quemener » prévoit que le prix d’acquisition ne doit pas être diminué des déficits déduits en vertu d’une disposition légale ayant la nature d’un avantage fiscal auquel le législateur a entendu donner un caractère définitif.

Validant le raisonnement retenu, dans sa première décision du 8 décembre 2011, par la Cour administrative d’appel de Nancy, le Conseil d’Etat étend ce raisonnement aux plus-values exonérées au niveau de la SCI.

L’administration, qui s’est ici opposée à ce raisonnement pour des plus-values immobilières réalisées par une SCI et exonérées du fait de l’abattement pour durée de détention, admet pourtant déjà ce même raisonnement à propos de cession de parts de sociétés de personnes réalisées dans un cadre professionnel. En effet, dans l’arrêt du 8 décembre 201, la Cour de Nancy précise que le prix de revient fiscal des parts doit tenir compte d’une plus-value exonérée au niveau de la société en application des articles 151 septies ou 238 quindecies du CGI (BOI-BIC-PVMV-40-10-10-30 n° 40 et BOI-BIC-PVMV-40-20-50 n° 410).

Présenté schématiquement, le mécanisme de correction, tel que complété par la présente décision du Conseil d’Etat, consiste donc à ajouter au prix de revient des parts la somme algébrique des éléments suivants :

  • Bénéfices (y compris les plus-values) imposés (+) ;
  • Pertes comblées (+) ;
  • Bénéfices (y compris les plus-values) non imposés en application d’une disposition par laquelle le législateur a entendu accorder un avantage fiscal définitif (+) ;
  • Déficits (y compris les moins-values) déduits, sauf ceux trouvant leur origine dans une disposition par laquelle le législateur a entendu accorder un avantage fiscal définitif (−) ;
  • Bénéfices répartis (−).

Ce schéma semble être transposable aux plus-values sur cession de titres de toutes les sociétés de personnes, la décision, certes rendue en matière de sociétés à prépondérance immobilière, étant une décision de principe.

L’autre apport de cette décision est de confirmer que le dispositif de correction issu de la jurisprudence « Quemener » s’applique pour le régime des plus ou moins-values de cession de titres de sociétés de personnes à prépondérance immobilière en vigueur à compter de 2004. En effet, la décision « Baradé », qui étendait la solution de l’arrêt « Quemener » aux sociétés à prépondérance immobilière avait été rendue dans le cadre du régime fiscal des plus et moins-values en vigueur jusqu’en 2003, et n’avait pas été confirmée par le Conseil d’Etat pour le régime fiscal en vigueur depuis 2004.

Mais en réalité, la solution, déjà préconisée par le rapporteur public Pierre Collin dans ses conclusions afférentes à l’arrêt « Baradé » ne faisait guère de doute. Elle avait d’ailleurs été déjà admise par l’administration dans ses réponses Gard et Biancheri du 31 janvier 2006, reprises dans la base Bofip sous BOI-RFPI-SPI-20 n° 30.

 

Jean-Christophe BOUCHARD
Avocat Associé
NMW Delormeau
Diplômé d’expertise comptable
Intervenant au sein des conférences EFE

www.nmwdelormeau.com

Pour aller plus loin :

  1. Amortir ou déduire une indemnité qui a servi à changer l’usage d’un immeuble
  2. Pénalisation du droit fiscal : Interview d’Emmanuel DAOUD
  3. Au 1er janvier 2018, l’ISF est abrogé … mais aussitôt remplacé par l’IFI.

 

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