Amortir ou déduire une indemnité qui a servi à changer l’usage d’un immeuble

Article rédigé par Me Aurélia Allouche avocat senior chez NMW DELORMEAU

Dans sa décision du 21 juillet 2017 (CE, 21 juillet 2017, n°395457), le Conseil d’Etat juge que, dès lors que l’autorisation administrative pour changement d’usage demandée par la société était attachée au local et non à la personne de son bénéficiaire, l’indemnité versée constitue un coût directement engagé pour la mise en état d’utilisation de l’immeuble et non une charge déductible.

En effet, le Conseil d’Etat précise que ni les droits de la défense, ni le principe du contradictoire rappelé par les dispositions de l’article L. 55 du Livre des procédures fiscales n’imposent à l’administration fiscale, lors de la procédure de rectification ou au cours du débat oral et contradictoire, lorsqu’elle remet en cause la répartition retenue par le contribuable entre les valeurs du terrain et de la construction, de lui transmettre l’ensemble des éléments consultés par le vérificateur dans les fichiers immobiliers informatisés dont dispose l’administration fiscale et qu’il n’a pas retenus comme termes de comparaison.

En l’espèce, la société requérante a acquis en 2003 plusieurs lots d’un ensemble immobilier à usage d’habitation situé à Paris en vue d’y installer son siège social et a comptabilisé des amortissements sur la totalité de son prix d’acquisition. À l’issue d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a, d’une part, partiellement remis en cause les amortissements que la société avait pratiqués au titre du bien, en réintégrant ceux des amortissements qui correspondaient à la valeur du terrain d’assiette de la construction et, d’autre part, réintégré dans son résultat imposable le montant de l’indemnité qu’elle a versée à une autre société en contrepartie de l’acquisition d’un « droit de commercialité » lui permettant de procéder au changement d’usage de l’immeuble.

La société, soumise à cette obligation, avait conclu une convention de cession de « droit de commercialité » avec une autre société prévoyant l’engagement de cette dernière de transformer en locaux d’habitation les locaux commerciaux qu’elle détenait en contrepartie d’une indemnité de 750 000 € HT. La société avait déduit l’indemnité du résultat imposable de l’exercice au cours duquel elle l’avait versé, ce que lui refusait l’administration.

Dans un premier temps, le Conseil d’Etat juge qu’il est loisible au contribuable d’apporter tous éléments de nature soit à établir que le choix de la méthode d’évaluation retenue par l’administration ou sa mise en œuvre sont erronés au regard des principes ainsi définis, soit à justifier l’évaluation qu’il a retenue en se référant à d’autres données que celles qui lui sont opposées par l’administration.

Ainsi, selon le principe dégagé, la société ne peut réclamer la transmission de l’ensemble des éléments consultés par le vérificateur dans les fichiers immobiliers informatisés dont dispose l’administration fiscale. En effet, l’administration fiscale n’a pas l’obligation de transmettre les éléments consultés dans les fichiers immobiliers informatisés.

Aux termes de l’article L. 631-7-1 du code de la construction et de l’habitation dans sa rédaction alors applicable, l’autorisation pouvait, dans certaines communes, être subordonnée à une compensation sous la forme de la transformation concomitante en habitations de locaux ayant un autre usage.

Selon les disposition de l’article 38 quinquies de l’annexe III du CGI , la valeur d’origine à laquelle les immobilisations acquises doivent être inscrites au bilan s’entend du prix d’achat majoré des coûts directement engagés pour la mise en état d’utilisation du bien.

Dans un second temps, le Conseil d’Etat a jugé que, dès lors que l’autorisation administrative pour changement d’usage demandée par la société était attachée au local et non à la personne de son bénéficiaire, l’indemnité versée, qui a pour effet d’accroître la valeur de l’immeuble, constitue un coût directement engagé pour la mise en état d’utilisation de celui-ci pour l’application de l’article 38 quinquies de l’annexe III au Code général des impôts et non une charge déductible, quand bien même l’autorisation administrative n’exigeait pas que la compensation fasse l’objet d’une indemnisation.

Aurélia Allouche
Avocat à la cour
NMW DELORMEAU

 

 

 

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