Sociétés étrangères de gestion de portefeuille : une rigueur tempérée par le Conseil constitutionnel

Pour dissuader les personnes physiques domiciliées en France de gérer leurs avoirs par l’intermédiaire de structures étrangères bénéficiant de régimes fiscaux de faveur, la loi prévoit la soumission à l’impôt en France des revenus capitalisés dans une société étrangère de gestion de portefeuille, même si ceux-ci n’ont pas été distribués, à condition, notamment, que la société bénéficie d’un régime fiscal privilégié et qu’elle soit détenue, directement ou indirectement, à hauteur d’au moins 10 % par une personne physique fiscalement domiciliée en France (CGI art. 123 bis).

Le prochain Panorama de la fiscalité patrimoniale internationale sera l’occasion d’aborder les atténuations qui ont récemment été apportées à la rigueur de ce texte par le Conseil constitutionnel.

En premier lieu, le Conseil constitutionnel a tempéré le caractère forfaitaire de l’imposition applicable en présence d’entités étrangères qui ne sont pas constituées ou établies dans un Etat lié à la France par une convention d’assistance administrative ou qui sont domiciliées ou établies dans un Etat ou territoire non coopératif ; dans ce cas, en principe, le revenu imposable en France est calculé en application du taux admissible au titre des intérêts de comptes courants d’associés. Cette disposition a été jugée conforme à la Constitution mais seulement sous réserve que le contribuable puisse apporter la preuve que le revenu réellement perçu par l’intermédiaire de l’entité juridique concernée est inférieur au revenu forfaitaire (Cons. const. 1er mars 2017 n° 2016-614 QPC) ; on remarquera incidemment que cette formulation est assez maladroite car l’article 123 bis du CGI ne taxe pas un revenu « réellement perçu » mais un revenu « présumé distribué » : il faut donc comprendre qu’il s’agit en réalité du revenu réellement perçu « par » l’entité juridique concernée.

Cette même décision a, par ailleurs, étendu à l’ensemble des Etats ou territoires étrangers la clause de sauvegarde prévue par la loi lorsque l’entité étrangère est établie ou constituée dans un Etat membre de l’Union européenne ; cette mesure permet au contribuable d’échapper à l’imposition si l’exploitation de l’entreprise ou la détention des actions, parts, droits financiers ou droits de vote ne peut être regardée comme constitutive d’un montage artificiel dont le but serait de contourner la législation fiscale française (CGI art. 123 bis, 4 bis).

En second lieu, le Conseil constitutionnel a confirmé, dans le sillage d’une décision précédente, que la majoration de 25 %, qui s’applique aux revenus imposables en France sur le fondement de l’article 123 bis, n’est pas applicable pour la détermination de l’assiette des prélèvements sociaux additionnels (Cons. const. 7 juillet 2017 n° 2017-643/650 QPC).

Enfin, le Conseil constitutionnel est, tout récemment, allé encore au-delà de l’exception législative en jugeant que le dispositif n’était conforme à la Constitution que sous réserve que le contribuable puisse être autorisé à prouver, pour y échapper, que la participation qu’il détient dans l’entité établie ou constituée hors de France n’a ni pour objet ni pour effet de permettre, dans un but de fraude ou d’évasion fiscales, la localisation de revenus à l’étranger (Cons. const. 6 octobre 2017 ° 2017-659 QPC).

Toutes ces décisions sont bienvenues car elles démontrent que si le législateur poursuit effectivement un objectif de valeur constitutionnelle en adoptant ce genre de dispositifs, à savoir la lutte contre la fraude et l’évasion fiscales, tout ne lui est cependant pas permis.

Bruno Gouthière
Avocat Associé
CMS BUREAU FRANCIS LEFEBVRE
Intervenant à la conférence « Panorama de la fiscalité patrimoniale internationale », le jeudi 30 novembre 2017

 

 

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