Option TVA et 257 bis du CGI : le non-respect du formalisme peut coûter cher !

L’article 257 bis du Code Général des Impôts (CGI) et son application aux cessions d’immeubles depuis fin 2006, permettant d’éviter tout paiement ou régularisation de TVA à l’occasion d’une vente d’immeubles loués entre investisseurs, a vocation à simplifier la fiscalité desdites cessions. Pas si sûr au vu du nombre de redressements remettant en cause son application. Visiblement, l’objectif de simplification n’a pas été atteint et la prudence s’impose.

En voici un nouvel exemple lié à la validité d’une option TVA.

L’option pour l’application de la TVA à la location d’un immeuble doit respecter différentes conditions de forme et de preuve. A défaut, les conséquences sont significatives pour le bailleur, notamment en cas de vente de l’immeuble. Le défaut d’option TVA entraîne la remise en cause d’une fraction de la TVA déduite afférente à l’immeuble (acquisition, construction, travaux …) ou l’application de la TVA au prix de vente (immeuble de moins de 5 ans). L’acquéreur de l’immeuble pourra également être impacté.

Les faits :

Une SCI a vendu un immeuble affecté à une activité de location soumise à TVA. La vente a été placée sous le régime de l’article 257 bis du CGI (transmission d’une universalité totale ou partielle de biens) de telle sorte que la SCI a été dispensée de la régularisation d’une fraction de la TVA déduite lors de la construction de l’immeuble.

L’Administration fiscale a contesté l’application à la vente de l’immeuble de l’article 257 bis du CGI, considérant que la SCI n’était pas en mesure de justifier qu’elle avait effectivement opté pour l’application de la TVA à la location de l’immeuble. Il en a résulté un redressement correspondant à la remise en cause d’une fraction de la TVA déduite par la SCI lors de la construction de l’immeuble.

La décision de la Cour administrative d’appel de Nantes

Par une décision du 14 juin 2017 (n° 15NT03774, 1ère chambre), la Cour valide le redressement notifié par l’Administration fiscale.

A cette fin, elle relève que la SCI n’a pas justifié avoir régulièrement opté pour l’application de la TVA à la location de l’immeuble, une telle option devant prendre la forme d’une déclaration expresse, identifiant l’immeuble en cause, adressée à l’Administration fiscale et ne pouvant donc pas résulter des éléments suivants :

  • de la mention du régime TVA de la SCI dans sa déclaration de constitution, ou
  • de l’attribution à la SCI d’un numéro de TVA, ou encore
  • de l’application de la TVA aux loyers.

A noter, qu’au cas particulier, les conséquences de ce défaut d’option régulière pour l’application de la TVA ont également concerné l’acquéreur de l’immeuble. En effet, bien que la Cour n’ait pas eu à statuer sur sa situation, elle relève qu’il résulte de l’instruction que celui-ci n’a pas non plus opté pour l’application de la TVA à la location de l’immeuble. Ceci s’explique par le fait que l’acquéreur pensait pouvoir bénéficier du transfert de l’option du vendeur (la SCI) en application de l’article 257 bis du CGI (transmission universelle de patrimoine). Or, le défaut d’option régulière du vendeur conduit l’acquéreur à ne pouvoir se prévaloir d’une option TVA pour la location de l’immeuble et l’expose donc à une remise en cause de la déduction de la TVA grevant les dépenses et travaux postérieurs à l’acquisition de l’immeuble.

Quelles précautions prendre en matière d’option TVA pour la location d’un immeuble

  • Opter à la TVA sur les loyers par l’envoi au service des impôts d’une lettre recommandée avec accusé de réception identifiant l’immeuble (adresse) et indiquant sans équivoque l’option pour l’application de la TVA à la location de l’immeuble conformément à l’article 260-2° du CGI (bien que l’accusé de réception ne soit pas une condition légale de l’option, elle l’est en pratique car c’est l’une des seules modalités de preuve possible).‎
  • Conserver une copie de la lettre d’option et de l’accusé de réception afin de pouvoir justifier de l’option en cas de contrôle fiscal ou de revente de l’immeuble/de la société propriétaire de l’immeuble.
  • En cas d’acquisition d’un immeuble : opter pour l’application de la TVA au cours du mois d’acquisition de l’immeuble (même si la vente a été soumise au régime de l’article 257 bis du CGI afin d’éviter que l’acquéreur soit impacté par la remise en cause de l’option du vendeur comme dans l’espèce ci-dessus) ou mieux encore, avant l’acquisition et annexer la copie de l’option et de l’accusé de réception à l’acte (il n’est pas rare que bien que l’option ait été exercée, la preuve de l’option se perde, notamment si celle-ci a été réalisée de nombreuses années auparavant).
  • En cas d’acquisition d’une société immobilière : solliciter auprès du vendeur la communication de la lettre d’option TVA et de son accusé de réception, à défaut de réponse satisfaisante, exiger des garanties et en tout état de cause réitérer l’option TVA après l’acquisition de la société immobilière.

Pierre APPREMONT
Avocat Associé
Kramer Levin Naftalis & Frankel LLP

Intervenant au sein des conférences d’actualité fiscale d’EFE

Samuel DROUIN
Avocat fiscaliste – Counsel
Kramer Levin Naftalis & Frankel LLP

 

 

 

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