Le Conseil d’État confirme qu’une note interne peut déroger à la convention d’intégration fiscale

jcbouchard-683x1024Jean-Christophe BOUCHARD
Avocat Associé
NMW Avocats
Diplômé d’expertise comptable

Dans un récent arrêt du 13 octobre 2016 (CE 13 octobre 2016 n° 388410 SA Safran), le Conseil d’État juge qu’une convention d’intégration fiscale peut être valablement amendée par une note interne au groupe.

Dans cette affaire, la société mère d’un groupe fiscalement intégré avait conclu avec ses filiales intégrées une convention d’intégration fiscale stipulant, assez classiquement, que lesdites filiales devaient contribuer au paiement de l’impôt du groupe à hauteur du montant d’impôt dont elles auraient été redevables en l’absence de toute intégration fiscale.

Par un courrier du 20 mars 2001 intitulé « note intérieure groupe », la société mère avait autorisé une de ses filiales à déduire du montant de sa participation à la charge globale d’impôt du groupe intégré, le montant de l’impôt correspondant à la reprise imposable de provisions pour dépréciation de titres de participation, ce qui dérogeait à la convention d’intégration fiscale initialement conclue.

Lors d’une vérification de comptabilité, l’administration fiscale a considéré que cette note interne ne lui était pas opposable, dès lors que le formalisme emprunté n’était pas suffisant pour lui permettre d’exercer son contrôle sur les modalités de répartition de l’impôt entre les membres de l’intégration. Elle a donc requalifié la diminution de la charge d’impôt consentie par la société mère en une subvention indirecte consentie par la société mère à sa filiale.

Dans la décision commentée, le Conseil d’Etat confirme la solution rendue par la cour administrative d’appel de Versailles en 2014 (CAA Versailles 30 décembre 2014, 3e ch., n° 13VE02872 SA Safran).

Le Conseil d’Etat consacre donc la possibilité pour une société mère d’un groupe intégré de déroger ponctuellement aux stipulations de la convention d’intégration fiscale sans avoir à modifier sa convention d’intégration fiscale, ce qui fournit aux groupes intégrés une marge de manœuvre appréciable dans la gestion de leur intégration. Les sociétés devront toutefois s’assurer que cette dérogation ponctuelle à la convention ne porte pas atteinte à l’intérêt social des sociétés en cause ou aux droits de leurs associés minoritaires (CE 12 mars 2010 n° 328424 Sté Wolseley Centers France).

L’intérêt de l’arrêt réside également dans le fait qu’en permettant à une société mère et une seule de ses filiales de déroger à la convention d’intégration commune au groupe, la Haute Juridiction semble apporter une réponse positive à la question inédite consistant à savoir si une société mère peut conclure avec certaines de ses filiales des conventions d’intégration particulières dérogeant à celles conclues avec les autres filiales, que ce soit par le biais de la signature d’un avenant, lors de la formation du groupe ou lors de l’intégration d’une nouvelle filiale.

On ne peut que se réjouir de la liberté contractuelle ainsi donnée aux groupes intégrés.

La solution adoptée par le Conseil d’Etat dans cette affaire ne saurait être considérée comme autorisant les sociétés à modifier leurs conventions d’intégration sans passer par la procédure formaliste de la signature d’un avenant, dans la mesure où dans cette affaire, la dérogation à la convention d’intégration fiscale ne portait que sur une unique opération.

Il n’est donc pas certain que la solution aurait été similaire en cas de dérogations répétées. Par conséquent, toute modification durable d’une convention nécessite toujours, selon nous, la signature d’un avenant modificatif pour que cette modification soit pleinement opposable à l’administration fiscale.

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