L’omission de certaines mentions obligatoires sur la facture ne peut faire obstacle à la déduction de TVA

rémiRémi Castebert
Avocat à la cour
NMW Avocats

Intervenant au sein des formations fiscales EFE

Dans deux arrêts en date du 15 septembre 2016 (CJUE, 15 septembre 2016, aff. C-516/14, Barlis 06 et C-518/14, Senatex), la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) assouplit sa jurisprudence antérieure en jugeant que le respect du principe de neutralité de la TVA interdit aux Etats membres de refuser le droit à déduction de la TVA supportée par les opérateurs économiques au seul motif que certaines conditions formelles relatives aux mentions sur les factures manquent en fait. Ceci, dès lors que ces derniers remplissent l’ensemble des conditions de fond.

Dans la première affaire, la société portugaise Barlis qui exploitait des hôtels/restaurants, a engagés des frais de Conseils. La société Barilis a déduit la TVA figurant sur les factures émises par le fournisseur de services juridiques, lesquelles mentionnaient « honoraires pour services juridiques fournis entre [date] et aujourd’hui ».

A la suite d’une demande de remboursement de TVA, l’administration fiscale portugaise a considéré que la société Barilis ne pouvait  pas déduire la TVA afférente aux services juridiques fournis au motif que les factures en cause ne décrivaient pas suffisamment les prestations fournies par la société d’avocats à Barlis et que les conditions de formes n’étaient donc pas respectées.

Dans la seconde affaire, la société allemande Senatex, exerçant dans le domaine du textile, avait déduit la TVA au titre de décomptes de commission délivrés à ses agents commerciaux.

L’administration fiscale allemande a remis en cause la déduction de TVA grevant ces charges en raison de l’absence de mention du numéro d’identification TVA des destinataires de ces décomptes, lesquels selon elle, constituaient des factures irrégulières.

Dans ces deux affaires, la déduction de la TVA a été refusée au motif que certaines mentions obligatoires sur la facture faisaient défaut (respectivement points 6, 7 et 3 de l’article 226 de la directive 2006/112).

Si les arrêts rendus par la CJUE portent sur l’interprétation des législations portugaise et allemande, la portée de la solution de principe retenue par la Cour s’appliquent toutefois à l’ensemble des législations des Etats membres.

Dans les arrêts commentés, la CJUE rappelle que la directive TVA subordonne l’exercice du droit à déduction de TVA à des conditions formelles et exige donc que la facture comporte des mentions obligatoires (article 226 de la directive 2006/112).

Dans l’affaire Barlis, la Cour relève ensuite que la mention « honoraires pour services juridiques fournis entre [date] et aujourd’hui » figurant sur les factures n’indiquaient pas de manière suffisante la nature et l’étendue des services rendus par la société d’avocats à la société Barlis.

Dans les deux arrêts, la Cour poursuit en jugeant que les autorités fiscales nationales ne peuvent refuser le droit à déduction de la TVA pour la seule raison que la facture ne remplit pas les conditions formelles de la directive TVA (en son article 226), à savoir comporter les mentions obligatoires prévues par cette dernière.

Ainsi, selon la CJUE, les autorités fiscales nationales ne peuvent pas refuser le droit à déduction de la TVA pour la seule absence ou omission d’une mention obligatoire dans une facture, alors qu’elles disposent de toutes les informations nécessaires pour vérifier que les conditions de fond relatives à l’exercice de ce droit sont satisfaites.

Il résulte donc des arrêts commentés que le droit à déduction de la TVA peut être exercé par l’assujetti même en cas d’absence ou d’omission de certaines mentions obligatoires dans la facture (non-respect des conditions de forme), sous réserve de remplir les conditions de fond pour l’exercice de ce droit.

L’administration ne peut donc plus remettre en cause le droit à déduction des opérateurs économiques pour des seuls motifs de forme, ce qu’elle faisait en pratique en cas de contrôle.

La solution retenue par la CJUE semble de bon sens, dans la mesure où adopter une solution contraire aurait rendu extrêmement difficile l’exercice du droit à déduction de la TVA acquittée en amont et aurait pénalisé les opérateurs économiques, dans la mesure où l’absence ou l’inexactitude d’une mention obligatoire figurant sur la facture résulte dans la grande majorité des cas d’une carence imputable au fournisseur.

¤¤¤

Rémi Castebert est avocat au sein des départements fiscal et immobilier du cabinet NMW avocats. Il intervient en matière de fiscalité immobilière et accompagne des groupes de sociétés français et étrangers sur l’ensemble de leurs problématiques fiscales complexes (structurations, audit et opérations de revue fiscale, restructurations, fusions acquisitions, intégration fiscale et international tax planning etc.) et les assiste également dans le cadre de contrôle fiscal et de contentieux fiscal.

Laisser un commentaire