Distribution de réserve et quasi-usufruit

Jean-François DESBUQUOISJFD -web
Avocat Directeur Associé
FIDAL
Intervenants à la conférence « Redressements fiscaux », le mardi 29 novembre 2016, à la Maison des Centraliens à Paris 8ème.

À qui reviennent les réserves mises en distribution par une société lorsqu’il existe des titres démembrés ?

Cette question, source de controverses en doctrine pendant de nombreuses années, vient d’être tranchée par plusieurs décisions de la Cour de cassation, notamment à l’occasion de contentieux fiscaux.

La chambre commerciale a rendu deux arrêts de principe en un an.

Le 27 mai 2015 (Cass. com., 27 mai 2015, n° 14-6246) elle a jugé « que dans le cas où la collectivité des associés décide de distribuer un dividende par prélèvement sur les réserves, le droit de jouissance de l’usufruitier de droits sociaux s’exerce, sauf convention contraire entre celui-ci et le nu-propriétaire, sous la forme d’un quasi-usufruit, sur le produit de cette distribution revenant aux parts sociales grevées d’usufruit, de sorte que l’usufruitier se trouve tenu, en application du premier des textes susvisés (587 C. civ.), d’une dette de restitution exigible au terme de l’usufruit et qui, prenant sa source dans la loi, est déductible de l’actif successoral lorsque l’usufruit s’éteint par la mort de l’usufruitier ».

 Cette décision tranche ainsi plusieurs difficultés :

  • elle pose d’abord le principe fondamental que la distribution d’un dividende prélevé sur des réserves réalisée au profit de parts sociales démembrées, bénéficie conjointement à l’usufruitier et au nu-propriétaire (et non à un seul d’entre eux comme le soutenaient certains auteurs : l’usufruitier pour certains, les nus- propriétaires pour d’autres),
  • elle ajoute que son paiement donne lieu en principe à un quasi-usufruit, mais qu’il est loisible aux parties de le traiter autrement par convention (partage de la somme, ou report du démembrement),
  • et elle en tire enfin la conséquence que, contrairement à ce que soutenait l’administration, dans l’hypothèse d’un paiement en quasi-usufruit, les nus-propriétaires pourront déduire la dette de restitution de l’actif successoral de l’usufruitier selon les règles de droit commun fixées par l’article 768 du CGI (preuve de l’existence de la dette) et non selon celles plus contraignantes de l’article 773,2 qui ne s’appliquent que lorsque le de cujus a consenti la dette envers son héritier.

Dans un arrêt du 24 mai 2016 (Cass. com. 24 mai 2016 n° 15-17.788) elle complète son analyse en indiquant que la dette de restitution constitue un passif déductible de l’ISF pour le quasi usufruitier.

Elle remet ainsi en cause la doctrine administrative (BOI-PAT-ISF-30-60-20, 12 sept. 2012, § 50) selon laquelle « pour l’assiette de l’impôt de solidarité sur la fortune, l’obligation prévue à l’article 587 du code civil ne s’analyse pas comme une dette, mais comme une obligation de restituer le bien objet du quasi-usufruit. La déduction à titre de passif de la valeur du bien objet du quasi-usufruit viderait de sa portée la règle selon laquelle l’usufruitier est imposable sur la valeur en toute propriété du bien ».

En pratique, le quasi-usufruitier doit  donc déclarer à l’ISF les biens soumis au quasi-usufruit, mais peut déduire en contrepartie au passif la dette de restitution.

Ces deux décisions semblaient donc claires et respectueuses des droits tant de l’usufruitier que du nu-propriétaire.

Mais la première chambre civile vient toutefois de réintroduire (temporairement ?) un doute en décidant dans le cadre d’un contentieux successoral que seul le nu-propriétaire bénéficiait du dividende prélevé sur les réserves (Cass. 1ère civ. 22 juin 2016 n° 15-19.471 et 15-19.516). Cet arrêt prend t-il vraiment le contre-pied de la solution dégagée par la chambre commerciale, ou s’explique t-il par les particularités de l’espèce ? La doctrine est actuellement partagée sur sa portée exacte.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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