Régularisation d’avoirs à l’étranger : Bercy rehausse les pénalités fiscales

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Marie-Charlotte DE CASALTA
Avocat à la Cour


Si les contribuables en cours de régularisation ont pu se réjouir de la censure constitutionnelle de l’amende proportionnelle, le gouvernement relève les majorations applicables aux demandes de régularisation déposées à compter du 14 septembre 2016.

Pour mémoire, les contribuables personnes physiques détenant des avoirs à l’étranger qu’ils n’ont pas déclarés à l’administration fiscale peuvent rectifier spontanément leur situation fiscale passée auprès du Service de Traitement des Déclarations Rectificatives (STDR) dans les conditions prévues par la circulaire ministérielle du 21 juin 2013, complétée par les circulaires ministérielles du 12 décembre 2013 et du 10 décembre 2014.

Celles-ci prévoient des pénalités atténuées qui diffèrent selon la qualification des contribuables – « actifs » ou « passifs » –, étant précisé que seuls sont considérés comme « passifs » les contribuables dont les avoirs, soit proviennent d’une succession ou d’une donation, soit ont été constitués lorsqu’ils n’étaient pas résidents fiscaux français, sous réserve, dans les deux cas, de l’absence d’alimentation du compte étranger.

D’une part, la majoration de 40% pour manquement délibéré[1] et la majoration de 40% pour défaut de production d’une déclaration dans les délais prescrits[2] – concernant l’Impôt de solidarité sur la fortune dû à compter de l’année 2014[3] – sont réduites à 30% pour les contribuables « actifs » et à 15% pour les contribuables « passifs ».

D’autre part, les amendes pour non déclaration des comptes[4] et contrats d’assurance-vie[5] ouverts et souscrits à l’étranger, qui s’élèvent, par année, à 5 %[6],[7]  de la valeur de chacun des comptes et contrats dès lors que le total de leur valeur est supérieur ou égal à 50.000 € au 31 décembre de l’année concernée, sont réduites à 3% pour les contribuables « actifs » et à 1,5% pour les contribuables « passifs ». S’agissant des avoirs placés en trust, le taux proportionnel de l’amende est porté de 12,5%[8] à 7,5% pour les contribuables « actifs » et à 3,75% pour les contribuables « passifs ».

Cependant, dans sa décision n°2016-554 QPC du 22 juillet 2016, le Conseil Constitutionnel a déclaré contraire à la Constitution le second alinéa du 2 du IV de l’article 1736 du CGI afférent à l’amende de 5% pour non déclaration des comptes ouverts à l’étranger. Relevant d’office le moyen, le Conseil Constitutionnel a estimé, après avoir soulevé que cette amende était encourue même dans l’hypothèse où les sommes figurant sur ces comptes n’avaient pas été soustraites frauduleusement à l’impôt, qu’« en prévoyant une amende proportionnelle pour un simple manquement à une obligation déclarative, le législateur a instauré une sanction manifestement disproportionnée à la gravité des faits qu’il a entendu réprimer ».

L’administration fiscale a tiré les conséquences de cette décision (i) en indiquant que l’amende proportionnelle n’était plus applicable aux dossiers déposés depuis le 22 juillet 2016 et à ceux qui, en cours de traitement par le STDR, n’ont pas encore donné lieu à la signature d’une transaction et (ii) en lui substituant l’amende fixe codifiée au premier alinéa du 2 du IV de l’article 1736 du CGI (1.500 € ou 10.000 € par an et par compte, selon la localisation des avoirs).

Toutefois, dans le dossier de presse du Comité national de lutte contre la fraude publié le 14 septembre 2016, relevant que « les conditions dans lesquelles les contribuables détenant des avoirs non déclarés à l’étranger peuvent se mettre en conformité avec le droit sont déséquilibrées par les effets de la décision du Conseil Constitutionnel », Bercy décide d’une augmentation des majorations. Celles-ci sont désormais portées de 15% à 25% pour les contribuables dits « passifs » et de 30% à 35% pour les contribuables dits « actifs ».

Sont visées par cette annonce les « demandes de régularisation déposées » à compter du 14 septembre 2016. Ainsi, les dossiers qui ont déjà été remis au STDR mais pour lesquels aucune transaction n’a encore été signée ne devraient pas être concernés. Reste toutefois en suspens la question de savoir si les contribuables, qui ont manifesté par écrit au STDR leur intention de régulariser leur situation antérieurement au 14 septembre 2016 mais dont la remise matérielle des dossiers est postérieure, se verront appliquer ces modifications.

Cette hausse ne devrait pas, a priori, concerner les contrats d’assurance-vie et les avoirs placés en trust pour lesquels les amendes proportionnelles restent, pour l’heure, à défaut de déclaration d’inconstitutionnalité, applicables. Deux recours pour excès de pouvoir, assortis d’une demande de transmission de QPC, à l’encontre de ces amendes ont cependant été déposés.

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[1] Art.1729 du CGI

[2] Art.1728 du CGI

[3] Avant 2014, les primo-déclarants à l’ISF bénéficiaient du taux de 10%.

[4] Art.1736 IV. 2 al. 2 du CGI

[5] Art.1766 du CGI

[6] A compter de l’imposition des revenus de 2011.

[7] Sans pouvoir être inférieures à 1.500 € ou 10.000 € lorsque l’infraction porte sur la non-déclaration d’un compte bancaire ou d’un contrat d’assurance-vie détenu ou souscrit dans un Etat ou territoire n’ayant pas conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales permettant l’accès aux renseignements bancaires.

[8] Art. 1736 IV bis du CGI

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