Option pour le régime SIIC : Précisions jurisprudentielles inédites relatives aux modalités de détermination de l’assiette de l’Exit tax

jcbouchard-683x1024Jean-Christophe BOUCHARD
Avocat Associé
NMW Avocats
Diplômé d’expertise comptable

La détermination de la valeur des parts de sociétés à prépondérance immobilière (SPI) non cotées détenues par des sociétés d’investissements immobiliers cotées (SIIC), pour la détermination de l’assiette de l’Exit tax est source d’un contentieux récurant. Dans trois arrêts récents du 26 février 2016 (CE 26 février 2016, n°376192 société « Unibail-Rodamco », n°382350 société « KLE 1 » et n° 382364 société « Klépierre »), le Conseil d’État apporte des précisions inédites s’agissant des décotes appliquées lors de la valorisation des titres de SPI inscrites à l’actif des sociétés exerçant l’option pour le régime des SIIC. Ces précisions apportées par le Conseil d’État en matière d’Exit tax devraient être transposables au contentieux de l’évaluation des titres de sociétés immobilières non cotées.

Dans ces trois affaires, l’administration fiscale contestait les décotes appliquées par les sociétés requérantes lors de la détermination de l’assiette de l’Exit tax.

Dans l’arrêt « Unibail-Rodamco », la société « Unibail-Rodamco » (ci-après « la Société ») avait calculé l’assiette de l’Exit tax en utilisant la méthode dite « de la double décote ». La première décote consistant, au stade de l’estimation de l’actif net réévalué de l’actif de la société, à déduire de la valeur d’expertise des immeubles portés par ces sociétés les droits d’enregistrement (4,80 %) et les frais notariés (1,20 %) exigibles en cas de cession de ces immeubles. La seconde décote consistant à réduire la valeur des titres correspondant à l’actif net réévalué ainsi calculé de 4,80 % correspondant au montant des droits d’enregistrement que supporterait un éventuel acquéreur des titres, ce que contestait l’administration fiscale au motif qu’autoriser l’application de cette « double décote » aboutirait à prendre deux fois en compte un coût identique.

Dans cet arrêt, le Conseil d’État rappelle, dans un premier temps, que la valeur des actifs constituant l’assiette de l’Exit tax doivent doit être appréciée comme en cas de cession, compte tenu de l’ensembles de éléments et facteurs de décotes éventuels afin d’obtenir un chiffre aussi voisin que possible de celui qu’aurait entraîné le jeu normal de l’offre et de la demande à la date où l’option est exercée (voir sur ce point CE 14 novembre 2003 n°229446, Lafarge ; pour une illustration récente voir CAA de Nancy 13 mai 2015, n° 14NC01413 « époux D ») et qu’il appartient au contribuable de justifier de la pertinence des décotes appliqués au regard du jeu normal de l’offre et de la demande et à l’administration d’en apporter la preuve contraire en cas de contestation.

Dans un second temps, la Haute Juridiction énonce que la Société ne pouvait se prévaloir d’une même « pratique de marché » pour justifier l’application d’une décote supplémentaire sur la valeur des titres alors que la pratique de marché en cause avait déjà été utilisée pour justifier l’application d’une première décote sur la valeur du patrimoine immobilier de sociétés immobilières détenues par la Société.

Il en résulte donc que le Conseil d’État semble admettre la validité de cette méthode de « double décote ». Il convient toutefois de noter que la lecture de l’arrêt commenté permet de constater que la Haute Juridiction n’interdit pas, le cas échéant, d’appliquer une seconde décote sur la valeur des titres détenue par la Société, à la condition que celle-ci soit en mesure d’en justifier l’application autrement que par l’existence de la pratique de marché ayant justifiée l’application de la première décote.

Dans les affaires KLE 1 et Klepierre, les sociétés avait déterminé l’assiette de l’Exit tax en appliquant une décote de 4,60 % sur la valeur des titres de participation entrant dans la plus-value imposable à l’Exit tax. Cette décote était destinée, selon les sociétés, à prendre en compte la fiscalité latente à laquelle s’exposeraient les acquéreurs potentiels de ces titres.

Les sociétés soutenaient que la décote appliquée était conforme à la méthode d’évaluation des titres non cotés en bourse, laquelle en déterminant la valeur des titres sur la base de l’actif net réévalué diminué d’une décote pour fiscalité latente, permettrait de déterminer une valeur de ces actifs aussi proche que possible de celle qui résulterait du jeu de l’offre et la demande dans un marché réel. Cette prise en compte de la fiscalité latente avait par ailleurs été admise par la commission nationale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d’affaires, consultée sur une même décote opérée au cours des exercices postérieurs à celui en litige.

Sur la validité de cette décote pour fiscalité latente, il convient d’abord de noter que le juge de l’impôt a eu assez peu l’occasion de se prononcer sur sa validité (CAA de Nancy, 2ème chambre, 13 mai 2015, n° 14NC01413 « époux D »).

Par ailleurs et malgré son application par les professionnels du marché immobilier, l’administration fiscale n’admet l’application de cette décote pour fiscalité latente que de manière restrictive en la réservant aux seuls titres de sociétés de marchand de biens, de promotion immobilière ou de construction-vente et en le refusant notamment aux sociétés foncières.

Dans les arrêts commentés, le Conseil d’État annule les arrêts d’appel au motif que les juridictions d’appel avaient rejeté les décotes pour fiscalité latente appliquées sans examiner les justifications apportées par les Sociétés.

Dans ces arrêts, le Conseil d’État énonce que : « Une telle décote [pour fiscalité latente] sur la plus-value latente immédiatement imposable peut être prise en compte, quand bien même les actifs auraient vocation à être conservés par la société à la suite de son option pour ce régime fiscal, dès lors que cette société est à même de la justifier au regard du jeu normal de l’offre et de la demande. »

 Il en résulte donc que la Haute Juridiction semble en valider le principe  de façon large et non restrictive sous réserve que celle-ci puisse être justifiée par le contribuable.

On ne peut que se féliciter de la sécurité juridique apportées par ces décisions qui donnent l’occasion au Conseil d’État de se prononcer sur le bien-fondé des décotes pouvant être appliquées par les contribuables amenés à déterminer la valeur vénale de titres de SPI non cotées notamment lors de leur option pour le régime SIIC.

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Jean-Christophe Bouchard est le fondateur du cabinet NMW avocats. Il jouit d’une forte notoriété en matière de fiscalité immobilière, et notamment pour les questions tenant à la fiscalité des SIIC, OPCI, SCPI, en matière de fiscalité immobilière dans un cadre transfrontalier et en matière de TVA immobilière. Il accompagne également une clientèle composée de groupe français et étrangers, côtés ou non, sur l’ensemble de leurs problématique fiscales (structurations complexes, restructuration, fusions acquisitions, intégration fiscale, international tax planning). Il assiste également ses clients dans le cadre de contrôle fiscal et de contentieux fiscal.

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