Certaines prestations de gestion de fonds de placement immobilier sont exonérées de TVA

jcbouchard-683x1024Jean-Christophe BOUCHARD
Avocat Associé
NMW Avocats
Diplômé d’expertise comptable

Dans un arrêt du 9 décembre 2015 (CJUE, 9 décembre 2015, aff. C-595/13 Fiscale Eenheid X NV cs), la Cour de justice de l’Union Européenne (ci-après « CJUE ») juge que les services de gestion rendus à certains fonds immobiliers sont susceptibles d’être exonérés de TVA, dès lors que les fonds présentent des caractéristiques identiques ou comparables aux organismes de placement collectif tels que définis par la directive OPCVM et qu’ils sont soumis à une surveillance étatique spécifique.

Dans cette affaire, le litige soumis à la Cour portait sur la législation applicable en matière de TVA néerlandaise. En l’espèce, la société A Beheer NV (ci-après « la Société A ») avait conclu avec trois autres sociétés immobilières néerlandaises des contrats de prestations de services.

La Société A, qui effectuait diverses prestations de gestion immobilière à titre onéreux, a considéré que celles-ci étaient exonérées de TVA du fait de la législation néerlandaise applicable aux services de gestion rendus à des sociétés de placement.

L’administration fiscale néerlandaise a toutefois estimé que tous les services rendus ne pouvaient pas bénéficier d’une telle exonération.

La Cour suprême des Pays-Bas saisie du litige a interrogé la CJUE sur la question de savoir si les sociétés en cause, c’est-à-dire des entités rassemblant des investisseurs en vue d’acheter, posséder, gérer et vendre des biens immobiliers et dont les fruits sont distribués sous forme de dividendes, pouvaient être assimilées à des fonds communs de placement au sens de la sixième directive TVA et sur la question de savoir si l’exploitation effective des biens immobiliers par un tiers constitue une activité de « gestion » au sens de l’article 13, B, sous d), point 6 de la sixième directive.

Si l’arrêt rendu par la Cour porte sur l’interprétation de la législation néerlandaise, celui-ci apporte, toutefois, une double précision concernant le régime de TVA applicable aux activités de gestion de fonds de placement immobiliers au sens de la réglementation communautaire.

En premier lieu, la CJUE juge que les sociétés en cause peuvent être considérées comme des « fonds communs de placement » au sens du point 6 du d) du B de l’article 13 de la sixième Directive, à condition toutefois, de présenter des caractéristiques identiques ou comparables aux organismes de placement collectif définis par la directive OPCVM et d’autre part, de faire l’objet d’une surveillance étatique spécifique.

Sur ce point, la CJUE précise qu’un fonds d’investissement immobilier serait ainsi comparable aux OPCVM, lorsque le rendement du placement immobilier, effectué par les détenteurs de droits de participation dans ce fonds, dépend des résultats des investissements opérés par les gestionnaires du fonds et que les participants peuvent prétendre aux bénéfices ou supporter les risques.

Il en résulte que les organismes de placements immobiliers de droit français qui remplissent les conditions posées par la CJUE constituent des « fonds communs de placement » au sens de l’article 13 B, sous d) de la sixième Directive et que les prestations de gestion qui leur sont facturées sont exonérées de TVA.

En second lieu, la CJUE apporte des précisions sur le champ de la notion de prestation de « gestion de fonds commun de placement » en jugeant que celui-ci ne couvre pas « l’exploitation effective des biens immobiliers du fonds », c’est-à-dire, selon la Cour, « la mise en location des biens immobiliers, la gestion des locations existantes ainsi que la délégation à des tiers et le contrôle des mesures d’entretien. » Les prestations de services relatives à l’exploitation des biens immobiliers détenues par les fonds restent soumises à la TVA.

Ainsi, selon la CJUE, les prestations réalisées au bénéfice des fonds immobiliers susceptibles d’entrer dans le champ de l’exonération de TVA posé par la sixième Directive s’entendent d’une part, de l’achat et la vente de biens immobiliers, et d’autre part, des tâches d’administration et de comptabilité (par exemple : calcul des revenus et du prix des parts ou des actions du fonds, évaluation des actifs, préparation des déclarations pour la distribution de revenus, fourniture d’informations et de documentations pour les comptes, les déclarations fiscales etc.). Ces prestations sont donc exonérées de TVA même dans le cas où celles-ci sont réalisées par des tiers.

Il est à noter que pour définir le champ des prestations de gestion de fonds immobiliers, la Cour fait application de sa définition de la notion de « gestion » en considérant que les opérations exonérées de TVA sont celles qui sont « spécifiques » à l’activité des organismes de placement collectif (voir sur ce point CJUE Abbey National, C‑169/04, point 63 ; arrêts Deutsche Ban, C‑44/11, point 31 et ATP Pension Service, C‑464/12, point 65).

Il résulte donc de l’arrêt commenté que les commissions et frais de gestions facturés par les sociétés de gestion de SCPI et d’OPCI français devraient donc également être exonérés, du moins en partie, de TVA.

L’arrêt emporte des conséquences principalement pour les organismes immobiliers français qui détiennent des actifs immobiliers, par le biais de participations dans des filiales (cas le plus répandu). En effet, ces fonds dont les produits sont exclusivement constitués de revenus de capitaux mobiliers (dividendes et quotes-parts de résultats) ne collectent pas de TVA et ne peuvent donc pas déduire la taxe qui leur est facturée par la société de gestion ce qui entraîne donc un coût définitif. L’exonération de TVA permettrait donc de réduire les frais de ces organismes de 20 %.

Toutefois, il convient de noter que cet avantage non négligeable a pour corollaire de soumettre la société de gestion à la taxe sur les salaires et de limiter son propre droit à déduction de la TVA.

Compte tenu du fait que la réglementation française permet aux sociétés de gestion d’opter pour le paiement de la TVA au titre de leurs prestations de gestion, ces dernières devront ainsi se livrer à des arbitrages en collaboration avec les fonds clients afin de déterminer la meilleure stratégie à appliquer.

Jean-Christophe BOUCHARD
Avocat à la Cour

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Jean-Christophe Bouchard est le fondateur du cabinet NMW avocats. Il jouit d’une forte notoriété en matière de fiscalité immobilière, et notamment pour les questions tenant à la fiscalité des SIIC, OPCI, SCPI, en matière de fiscalité immobilière dans un cadre transfrontalier et en matière de TVA immobilière. Il accompagne également une clientèle composée de groupe français et étrangers, côtés ou non, sur l’ensemble de leurs problématique fiscales (structurations complexes, restructuration, fusions acquisitions, intégration fiscale, international tax planning). Il assiste également ses clients dans le cadre de contrôle fiscal et de contentieux fiscal.

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