Légalité de l’impôt et déontologie

Bernard HATOUX
Doyen (honoraire) de la Cour de cassation
Intervenant EFE à la conférence « Actualité 2015 des Redressements fiscaux » du mardi 17 novembre 2015.

Le contrôle de l’impôt par le juge est un contrôle de légalité, exigé par les conditions de sa légitimité au regard des dispositions combinées des articles 13, 14 et 17 de la Déclaration des Droits de l’homme et du citoyen de 1789 et de l’article 34 de la Constitution.

En effet, l’article 432-10 du code pénal (ancien CP art. 174) punit sévèrement le fait de réclamer un impôt qui n’est pas légalement du. Il est ainsi rédigé : « Le fait, par une personne dépositaire de l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, de recevoir, exiger ou ordonner de percevoir à titre de droits ou contributions, impôts ou taxes publics, une somme qu’elle sait ne pas être due, ou excéder ce qui est dû, est puni de cinq ans d’emprisonnement et d’une amende de 500 000 €, dont le montant peut être porté au double du produit tiré de l’infraction. Est puni des mêmes peines le fait, par les mêmes personnes, d’accorder sous une forme quelconque et pour quelque motif que ce soit une exonération ou franchise des droits, contributions, impôts ou taxes publics en violation des textes légaux ou réglementaires. La tentative des délits prévus au présent article est punie des mêmes peines ». La prohibition instituée par ce texte est évidemment d’ordre public. Il entre donc dans l’office du juge, spécialement le juge de cassation, d’en assurer le respect.

Ces dernières années, et encore récemment, la Cour de cassation a souligné un aspect de la notion de légalité fiscale dégagé antérieurement, qui, même lorsqu’il n’était pas mis en exergue, sous-tendait nombre de décisions contentieuses : l’obligation de loyauté de l’administration dans l’établissement et le recouvrement de l’impôt. Cette obligation se combine avec le caractère contradictoire des procédures qui implique le respect des droits de la défense.

Une série de décisions ont tiré les conséquences de la solidarité de paiement de l’impôt en exigeant, à peine de la nullité de la procédure d’imposition erga omnes, la notification de tous les actes de cette procédure à l’ensemble des personnes qui peuvent être poursuivies en qualité de débiteurs solidaires. Puis cette exigence a été étendue au recouvrement en exigeant, à peine d’inopposabilité, la notification des titres exécutoires et actes de poursuite les concernant aux débiteurs solidaires poursuivis. Ce régime est nécessaire dès lors que le débiteur solidaire peut opposer, outre les exceptions qui lui sont personnelles, celles qui sont inhérentes à la dette ou communes à tous les débiteurs.

Cette jurisprudence a été complétée récemment par deux arrêts.

L’un énonce que dans le cadre de son pouvoir général de rectification, il appartient à l’administration fiscale, sous le contrôle du juge de l’impôt, de recalculer l’impôt en appliquant les lois et réglementations applicables, fussent-ils en faveur du contribuable. Autrement dit, l’administration qui rectifie doit d’office rechercher et appliquer la solution fiscale la plus favorable au contribuable, ce qui, dans l’espèce considérée, l’oblige à appliquer le plafonnement de l’ISF.

L’autre arrêt rappelle à l’administration qu’elle doit observer strictement la distinction de la procédure contradictoire de droit commun et la procédure spéciale d’abus de droit. Elle doit nécessairement utiliser la seconde lorsqu’elle fonde sa rectification sur des arguments qui en relèvent, même si le cas considéré de l’exige pas. Ainsi, en l’espèce, alors qu’elle invoquait une donation indirecte et non une donation déguisée, l’administration ne s’est pas contentée de rectifier les conséquences réelles d’actes sur lesquelles elle aurait eu une appréciation différente de celle du contribuable mais, considérant que les parties avaient dissimulé la véritable nature de leurs conventions, a remis en cause la qualification qu’elles leur avaient donnée. Dès lors que l’argumentation était celle inhérente à l’abus de droit, la procédure spéciale devait être utilisée.

A travers les obligations juridiques impliquées par les principes dégagés par la Cour de cassation, ce sont les règles d’un véritable corpus déontologique qui s’incorporent aux dispositifs particuliers avec un effet général.

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