Le Luxembourg légalise la dématérialisation des titres

jérôme bach.JPGJérôme Bach
Avocat Associé
DSM DI STEFANO MOYSE
Intervenant EFE à la formation « Délocalisation d’entreprise et transfert de siège social », le 28 mai 2013 à Paris

Par une loi du 6 avril 2013 publiée au Mémorial A n° 71 du 15 avril 2013 (la « Loi »), le Luxembourg vient légiférer sur les titres dématérialisés.

Même si la doctrine envisageait cette notion sur base du principe d’autonomie de la volonté, la loi vient ici sécuriser la doctrine et permettre enfin à l’émetteur de choisir cette forme de titre, respectivement encadrer la conversion de titres existants en titres dématérialisés.

Toujours aussi pragmatique, le législateur luxembourgeois autorise donc la possibilité d’émettre des titres nominatifs, au porteur et dématérialisés, laissant ainsi prédominer la liberté contractuelle. Le choix de ces trois formes appartenant à l’émetteur permet ainsi de répondre aux attentes les plus variées des investisseurs.

À noter en premier lieu cette notion de titres, qui est définie au sens large puisque sont à considérer comme titres :
(a) les titres émis par les sociétés par actions de droit luxembourgeois incluant ainsi expressément les actions, les parts bénéficiaires, et les parts de fonds commun de placement mais aussi
(b) les titres de créance soumis au droit luxembourgeois tels que les instruments financiers susceptibles de revêtir la forme au porteur et les instruments de la dette publique.

L’émission de tels titres, comme la conversion de titres existants en de tels titres pour un émetteur luxembourgeois, obligera en premier lieu de modifier ses dispositions statutaires afin notamment de prévoir l’émission de titres sous la forme dématérialisée et les règles applicables. À noter que, dans l’hypothèse d’une conversion de titres préexistants, les modifications statutaires devront renseigner le caractère obligatoire ou facultatif de la conversion, la procédure de conversion, les titres objets de cette conversion et, surtout si la conversion est obligatoire, le délai de conversion et les sanctions de la non présentation des titres à la dématérialisation endéans le délai prévu, lequel ne saurait être inférieur à deux ans.

La Loi vient également régir le sort des titres qui ne seraient pas apportés à la conversion dans le délai fixé pour la dématérialisation prévoyant entre autre la suspension des droits de vote qui y sont attachés, la non prise en compte de ces titres dans le calcul du quorum et des majorités des décisions appelées à être prises. Les titres n’ayant pas été apportés dans le délai de deux ans à la conversion depuis la date de l’assemblée ayant rendu cette conversion obligatoire peuvent être dématérialisés par l’émetteur lui-même et enregistrés à son nom. Au terme du délai qui ne peut être inférieur à huit ans, ces titres peuvent être mis en vente par l’émetteur lui-même, sous réserve que les dispositions statutaires le prévoient.

Soucieux de l’efficacité des garanties financières données sous le droit luxembourgeois, le législateur a estimé nécessaire de prévoir dans la Loi elle-même la continuité du gage dont les aspects sont régis par le droit luxembourgeois et qui porte sur des titres nominatifs ou au porteur qui seraient dématérialisés, prévoyant expressément qu’un tel gage « reste valable et continue à sortir ses effets sans autres formalités ».

Les praticiens noteront l’importance des dispositions statutaires dans les droits qui sont octroyés à l’émetteur. On notera à titre illustratif que l’étendue des informations dont ce dernier peut disposer sur l’identité des détenteurs de ces titres dématérialisés dépend directement de ses dispositions statutaires. Il en va de même des frais de dématérialisation lorsque celle-ci n’est pas obligatoire.

Enfin, on appréciera le renforcement des droits des détenteurs de titres. En effet, en premier lieu, en cas de procédure de liquidation du teneur de compte, les titulaires de comptes titres concernés acquièrent immédiatement les droits sur les titres qui sont portés au crédit du teneur de compte. En second lieu, le défaut de livraison ou de règlement constaté à la date et dans les conditions applicables, qu’elles soient de marché ou contractuelles, libère la partie victime de ce manquement de ses obligations correspondantes de livraison ou de paiement. En troisième lieu, lorsque le teneur de compte concerné procède à la livraison des titres ou au paiement du prix en se substituant au titulaire du compte défaillant, ce teneur acquiert la propriété à titre de garantie des titres ou espèces reçus en contre partie.

En conclusion, nous retiendrons que cette Loi contribue notamment à nous permettre d’offrir à nos clients transférant leur siège au Grand Duché de Luxembourg des instruments respectant leur volonté de disposer en droit luxembourgeois d’instruments proches de ceux qu’ils ont connus dans leur pays d’origine.

La qualité rédactionnelle de cette Loi est à relever. Elle offre un cadre juridique sûr pour l’émission, respectivement la conversion de ces titres, tout en préservant une liberté rédactionnelle et respectant les droits et garanties acquis sous l’égide du droit luxembourgeois dans le processus de conversion des titres.

 

 

Laisser un commentaire