Apport de titres à une holding personnelle, plus-values de cession, départ en retraite du cédant: comment comprendre les nouvelles règles fiscales lorsque ces différents événements se combinent ?

Patrice CouturierPatrice Couturier
Avocat Associé
Bichot & Associés
Intervenant EFE à la formation « Transmission d’entreprise et Domiciliation en Suisse, Belgique ou Luxembourg » 9-10 avril 2013 à Paris
Les dirigeants de PME qui cèdent les titres de leur société à l’occasion de leur départ à la retraite et de la cessation de leurs fonctions dans l’entreprise sont susceptibles de bénéficier d’un abattement pour durée de détention sur la plus-value de cession réalisée à cette occasion (en revanche, la plus-value reste soumise à la CSG et aux prélèvements sociaux, soit 15,5 % à ce jour). Cet abattement, qui est égal à un tiers par année de détention au-delà de la cinquième (ce qui conduit à une exonération totale au bout de huit ans de détention), nécessite que les titres soient cédés au plus tard deux ans après le départ en retraite du dirigeant ou la cessation de ses fonctions ou que le départ en retraite intervienne dans les deux ans qui suivent la cession. Ce dispositif, qui figure à l’article 150-0 D ter du CGI, devait prendre fin au 31 décembre 2013 mais il a été récemment étendu pour une durée de quatre ans.

À l’heure où l’on observe une augmentation considérable de la fiscalité pesant sur les cessions de titres, ce dispositif reste, lorsqu’il peut trouver à s’appliquer, l’un des plus intéressants qui soit puisqu’il permet de limiter les prélèvements pesant sur la plus-value à 15,5 % de celle-ci.

En substance, cette mesure suppose pour être applicable que soient remplies un certain nombre de conditions (nécessité pour la société d’être soumise à l’IS, d’exercer une activité industrielle ou commerciale[1] et d’être une PME au sens du droit communautaire[2], nécessité pour le cédant d’avoir occupé pendant les cinq années précédant la cession une fonction de dirigeant avec une rémunération normale[3], d’avoir détenu ses titres depuis au moins huit ans (pour bénéficier d’une exonération totale), de céder l’intégralité de ses titres et d’avoir détenu au moins 25 % du capital de la société[4], seul ou avec son cercle familial (lequel inclut les conjoints, ascendants, descendants, frères et sœurs, …).

Si un dirigeant vient à faire valoir ses droits à la retraite et à cesser toute activité dans le groupe qu’il dirige et à le céder dans les deux ans, il peut ainsi être possible pour lui (mais également pour les autres membres du groupe familial actionnaire pour autant qu’ils cèdent leurs titres en même temps) de bénéficier de ce régime.

Que se passe-t-il toutefois si le dirigeant vient d’abord à apporter les titres de sa société opérationnelle qu’il dirige à une holding personnelle pour la céder afin de partir en retraite ? L’opération n’est pas théorique, puisqu’il suffit d’envisager le cas où, du fait du retrait d’un associé, le dirigeant d’une société opérationnelle serait conduit à effectuer un OBO[5], en apportant ses titres de la société qu’il dirige à une holding qui s’endetterait par ailleurs pour reprendre la participation de l’associé retrayant dans la société opérationnelle. En pareil cas, l’exonération, si elle est applicable, ne vaudra bien entendu que pour les titres cédés qui sont détenus directement par le dirigeant (la plus-value réalisée sur ceux de la société opérationnelle qui seraient cédés par la holding personnelle étant imposée au niveau de cette dernière).

Jusqu’à présent, l’administration avait précisé (cf. BOI du 22 janvier 2007, § 147) qu’en cas de cession des titres de la société holding, la durée de détention qui conditionne l’abattement devait se décompter en prenant également en compte la durée de détention des titres apportés à la holding ; cette position a d’ailleurs été reprise dans le BOFIP (RPPM-PVBMI-20-20-20-40 n° 170). Aussi, on peut penser qu’un dirigeant d’une société qui détient une participation dans une société depuis plus de huit ans et qui l’apporte à une holding en 2013 pour céder l’ensemble avant fin 2017 et partir alors à la retraite doit pouvoir bénéficier du régime de l’article 150-0 D ter, toutes les autres conditions requises étant par ailleurs supposées remplies.

Néanmoins, les changements substantiels[6] qui ont été apportés aux plus-values constatées lors d’un apport de titres effectué depuis le 14 novembre dernier à une société holding contrôlée par l’apporteur, et leur combinaison avec les règles posées par l’article 150-0 D ter laissent planer un doute. En effet, le nouveau régime de report d’imposition qui s’est substitué au régime de sursis jusqu’alors applicable, signifie que le montant de la plus-value constatée au moment de l’apport de titres à une société holding est désormais figé, l’impôt étant dû au moment de la cession des titres apportés ou de ceux de la société holding. Dans ces conditions, il n’est pas évident que le cédant puisse encore bénéficier d’un abattement conduisant à exonérer sa plus-value de cession s’il vient à céder ses actions quelques années plus tard pour faire valoir ses droits à la retraite.

L’article 150-0 D ter du CGI ne couvre en effet pas les opérations d’apport désormais exclues du mécanisme du sursis (i.e, celles visées à l’article 150-0 B ter), pour la bonne raison que ce dernier article n’a été créé que par une loi du 29 décembre 2012 ; il est difficile de dire s’il s’agit d’une simple omission, mais par analogie avec les plus-values placées sous un régime antérieur de report (lequel a cessé de s’appliquer en 2000, cf. BOI 5 C-1-07 du 22 janvier 2007, § 35) on ne peut toutefois pas exclure que l’administration considère que l’abattement n’est pas applicable à la plus-value placée en report d’imposition en application du 150-0 B ter.

On attendra avec intérêt les commentaires administratifs sur le nouveau régime de report d’imposition de l’article 150-0 B ter et on appellera de nos vœux que la situation soit clarifiée dans un sens qui respecte l’esprit de la loi de 2005 et qui ne constitue pas un frein à certaines réorganisations motivées par des raisons économiques bien réelles.

 


[1] Une holding animatrice étant réputée exercer une telle activité.

[2] Elle doit employer moins de 250 salariés et (i) avoir un CA inférieur à 50 Meur ou (ii) un total de bilan inférieur à 43 Meur.

[3] Il est indifférent que la rémunération soit supportée par la société cédée ou par une société du groupe auquel elle appartient.

[4] Par une réponse ministérielle récente (JOAN 26.02.2013 p. 2203), l’administration a pris le soin de préciser que la condition de détention d’au moins 25% du capital s’apprécie au regard des seuls droits de vote ou des seuls droits financiers détenus dans la société dont les titres sont cédés.

[5] Owner buy out, ou rachat d’une société par une partie de ses propres actionnaire et financé avec un effet de levier.

[6] Cf. article 150-0 B ter  du CGI.

5 Commentaires

  • très interessé par votre propos, j’ai exactement les mêmes interrogations ou craintes et j’ai du bloquer une opération en cours.

  • bonjour

    merci de bien vouloir m’indiquer vos sources pour le report de 4 ans des departs a la retraites et l’exoneration des plus values .
    a ma connaissance , on perd le droit a l’exoneration des plus values si le dirigeant vend ses parts sociales dans les 2 ans qui suivent la cession ?

  • Il semblerait que les commentaires n’aient pas été rapportés et à tout le moins par analogie avec l’apport d’une activité à une société suivie d’une cession avec départ en retraite dans les délais prévus, la durée de détention démarre à la création de l’activité en nom propre apportée ainsi par la suite.

  • Il est au mieux discourtois et plus vraisemblablement un manquement à la plus élementaire déontologie que de venir racoler les clients de cette manière, de surcroît en parasitant le travail d’un confrère. Un tel manque d’élégance ne donne guère envie de vous consulter.

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