Une provision justifiée dans son principe peut être rejetée pour défaut dans son calcul

Olivier Fouquet
Président de section
CONSEIL D’ÉTAT
Intervenant EFE, formation « Actualité 2012 des Redressements fiscaux » 27 novembre 2012, Paris

Les provisions sont un des domaines d’élection des redressements fiscaux. L’affaire CE 21 mai 2012 n°332090, Sté Denkavit France (RJF 8-9/12 n°798), aux conclusions du talentueux Pierre Collin, démontre une nouvelle fois qu’une provision justifiée dans son principe et justifiable dans son montant, peut cependant être à bon droit rejetée par le service pour cause de calcul inapproprié du montant. Il convient de rappeler à cet égard quelques règles élémentaires.

Voici une société qui a notamment pour activité l’engraissement de veaux. Elle a donc un stock que l’on peut qualifier de produits intermédiaires. Le déclanchement de la crise d’encéphalite spongiforme bovine provoque un effondrement des cours. La société se croit autorisée à constituer une provision pour dépréciation de stock.

Sur le principe, elle est entièrement fondée à constituer une provision.

Mais comment la calculer ?

S’agissant de produits intermédiaires qui n’ont pas de cours du jour, il convient de se référer au cours du produit fini, c’est-à-dire, au cours, à la clôture de l’exercice, du produit fini (le veau engraissé), et de reconstituer à partir de ce cours la valeur du produit intermédiaire (le veau en cours d’engraissement) à la clôture de l’exercice.

Que fait la société ? Elle répartit les veaux en cours d’engraissement en cohortes en fonction du nombre de semaines restant à courir avant l’achèvement de l’engraissement. La méthode nous parait adéquate pour reconstituer le prix du produit intermédiaire à la date de clôture de l’exercice, qui varie selon la cohorte.

Mais quels cours du jour du produit fini retenir ?

Pour les cohortes les plus proches de la date d’achèvement de l’engraissement, la société se fonde sur les prix observés aux mois de janvier et février suivant la clôture de l’exercice. PREMIÈRE ERREUR ! Car la jurisprudence, interprétant strictement l’article 38,3 du CGI, refuse toute référence à des cours postérieurs à la clôture. Certes le PCG accepte la prise en compte de risques antérieurs à la clôture qui ne sont apparus qu’entre la clôture et l’arrêté des comptes. Mais, en tout état de cause, l’évolution des cours en janvier et février était influencée par des évènements postérieurs à la clôture (l’évolution de la maladie).

Pour les cohortes les plus éloignées de la date d’achèvement de l’engraissement, la société se réfère certes à des cours antérieurs à la clôture de l’exercice, mais à des cours très antérieurs : le prix moyen observé entre les exercices n-4 à n. SECONDE ERREUR ! Car la jurisprudence exige que le cours pris comme référence soit suffisamment proche de la clôture de l’exercice, pour pouvoir être réputé valable à cette clôture.

Conséquence : aucune des références retenues n’est valable et le calcul du montant de la provision est regardé comme non justifié. D’où validation par le Conseil d’État du rejet de la provision par le service.

Pourtant la société a constaté, lors de la cession ultérieure des veaux, une perte d’un montant similaire au montant de la provision constituée. Elle ne se serait donc pas trompée ? Mais on ne valide pas le montant d’une provision ex post. C’est à la date de la clôture de l’exercice qu’il faut évaluer correctement le risque de perte par une méthode valide.

Faute de recourir à une méthode valide, la société ne peut pas justifier du montant de la provision qu’elle a constituée à la clôture de l’exercice, même si elle justifie de la réalité de sa perte ultérieure.

Elle a offert sur un plateau un redressement facile à l’administration.

La tâche du vérificateur n’est pas toujours aussi facile lorsque la société interprète bien la règle comptable.

Laisser un commentaire