Notification des actes de la procédure fiscale à l’ensemble des débiteurs solidaire de l’impôt : la jurisprudence se renforce

Jean-François Desbusquois
Avocat Associé, Département Droit du Patrimoine
FIDAL
Intervenant à la formation « Redressements en gestion de patrimoine » du 19 octobre 2012, Paris

Sur la base d’une jurisprudence ancienne (Cass. com., 23 juin 1987 : Bull. civ. 1987, IV, n°159), l’Administration fiscale considère que la solidarité fiscale au paiement de l’impôt instituée entre les cohéritiers d’une succession (CGI art. 1709), ou des codonataires (CGI art. 1705), peut lui permettre de mener une procédure de rectification à l’encontre d’un seul d’entre eux, tout en se réservant la possibilité de recouvrer l’impôt contre n’importe lequel des codébiteurs (Doc. adm. 13 L-1513, § 64 et s.).

Dans un arrêt Marie du 18 novembre 2008 (Cass. com., 18 nov. 2008, n° 07-19.762), la jurisprudence a toutefois marqué un rééquilibrage important en faveur des garanties reconnues aux contribuables. La Cour de cassation, si elle admet toujours que l’Administration puisse engager la procédure à l’encontre d’un seul des cohéritiers (proposition de rectification), considère désormais que l’Administration doit ensuite notifier à l’ensemble des cohéritiers solidaires les actes de procédure subséquents, en application des principes du contradictoire et de loyauté des débats.

Un arrêt Rigault du 7 avril 2010 (Cass. com., 7 avril 2010, n° 09-14.516) avait confirmé cette première décision, en la limitant toutefois à l’hypothèse où l’héritier actionné ne s’était pas présenté en cours de procédure comme le représentant de ses cohéritiers.

Malgré ces deux arrêts, l’Administration semblait depuis tergiverser et essayer d’en minimiser la portée. Dans de nombreuses procédures, elle persistait à ne poursuivre l’ensemble de la procédure qu’à l’encontre d’un seul des héritiers solidaires.

Deux arrêts de la Cour de cassation du 12 juin 2012 (Cass. com., 12 juin 2012, n° 11-30.396 publié au Bulletin F-P+B, et n° 11-30.397) viennent de confirmer de la façon la plus nette cette jurisprudence en annulant deux procédures de redressements qui portaient sur des contestations de la valeur de biens ayant fait l’objet de donations en ligne directe.

Dans l’une des affaires, l’Administration avait mené toute la procédure contre le seul donataire puis mis les droits complémentaires en recouvrement contre lui seul.
Dans l’autre dossier la procédure avait été menée et les droits mis en recouvrement contre le seul donateur.

Dans les deux cas, la Cour Suprême conclut à la nullité des redressements faute pour l’Administration d’avoir convoqué l’ensemble des codébiteurs solidaires (donateur et donataire) devant la commission départementale de conciliation et de leur avoir notifié l’ensemble des actes de procédure.

La jurisprudence est désormais fermement fixée et a une portée large.

Elle nous semble en outre parfaitement justifiée par le fait qu’il ne serait pas légitime qu’un héritier ou un codébiteur puisse se trouver contraint de supporter le coût d’un redressement soit au titre de la solidarité fiscale, soit au titre de sa contribution ultérieure entre les codébiteurs solidaires, sans avoir été mis à même de participer à la procédure et de s’y défendre. Il n’est en effet pas rare que dans une succession difficile, les relations entre héritiers soient rompues voire conflictuelles et il est dès lors à craindre que l’héritier actionné par l’administration n’en informe pas les autres. Même si l’administration recouvre l’impôt sur le débiteur contre lequel elle a mené la procédure, les autres codébiteurs sont concernés par les risques de recours ultérieurs de ce dernier au titre de leur contribution définitive à la dette.

Cette jurisprudence peut se révéler particulièrement utile pour les avocats fiscalistes dans la mesure où dans nombre de procédures de redressement actuellement pendantes, l’administration n’a pas respecté ces principes, et encoure donc la nullité.

Laisser un commentaire