Intégration fiscale et consolidation : particularités liées aux déficits imputables

Eric Quentin
Avocat Associé
HOCHE SOCIÉTÉ D’AVOCATS
Intervenant EFE à la formation « Comment appliquer les impôts différés », 24 mai ou 6 décembre 2012, Paris.

On a souvent coutume de présenter le régime d’intégration fiscale comme un régime de consolidation fiscale permettant la compensation des résultats fiscaux des sociétés membres du groupe, corrigés des effets des opérations intragroupe.

Pour autant, s’il existe certaines ressemblances et s’il n’est pas rare que, dans certains groupes, le service en charge de l’établissement des comptes consolidés soit également en charge de l’intégration fiscale, les différences sont importantes.

Qu’il s’agisse du périmètre (obligatoire en matière de consolidation, optionnel en matière d’intégration), des retraitements (élimination systématique des opérations intragroupe en consolidation, quels que soient leurs effets sur la base fiscale ; neutralisations limitativement définies par la loi en matière d’intégration fiscale et exclusivement s’agissant des opérations ayant un effet sur l’assiette fiscale imposable, à court terme ou à long terme, des sociétés concernées), de la société mère (la société consolidante n’est pas nécessairement la société mère intégrante, il n’est pas rare que coexistent plusieurs groupes fiscaux au sein d’un même groupe économique), les régimes ne sont pas comparables et répondent à des logiques différentes.

Pour autant, il apparait nécessaire d’appréhender les mécanismes, parfois complexes, du régime d’intégration fiscale pour la détermination des sources d’impôts différés (actif et passif) nécessaires à la détermination de la charge d’impôt des groupes établissant des comptes consolidés et à la compréhension de leur taux effectif d’impôt.

Une illustration récente en est donnée par les modifications substantielles concernant les modalités d’imputation des déficits reportables introduites par l’article 2 de la seconde loi de finances rectificative pour 2011, n° 2011-1117 du 19 septembre 2011, entrée en vigueur pour les exercices clos à compter du 21 septembre 2011 (qui, à ce jour, n’ont toujours pas été officiellement commentées par l’administration fiscale laquelle a néanmoins mis en ligne sur le site « impots.gouv.fr » un projet d’instruction opposable). En effet, ces règles peuvent comporter des incidences importantes sur les modalités de reconnaissance des bases d’impôts différés actifs afférentes aux reports déficitaires. Rappelons que, schématiquement, s’agissant des déficits reportables en avant, ceux-ci sont dorénavant imputables sur le bénéfice de l’exercice dans la limite d’une somme d’1 million d’€ majorée de la fraction du bénéfice de l’exercice excédant ce seuil, multipliée par 60 %.

Ces règles, qui ont pour effet d’entraîner la constatation d’un véritable bénéfice minimum taxable pour les groupes redevenus bénéficiaires et disposant d’un stock conséquent de déficits reportables, jouent à trois niveaux dans les groupes fiscalement intégrés :

– Au niveau de la société mère et du bénéfice d’ensemble, en premier lieu, s’agissant de la limitation de l’imputation des déficits d’ensemble reportables.

– Au niveau de chaque société intégrée, en second lieu, s’agissant tout d’abord des modalités d’imputation de leurs déficits subis avant leur date d’entrée dans le groupe, lesquels subissent déjà des règles de plafonnement spécifiques afin d’éviter que ne soit contournée la règle selon laquelle ces déficits ne peuvent pas s’imputer sur le bénéfice d’ensemble mais uniquement sur le bénéfice propre réalisé par la société ayant subi ces déficits (CGI article 223-I-4). Pour la détermination de leur charge d’impôt individuelle à l’égard de leur société mère, les filiales doivent également appliquer les règles nouvelles de limitation d’imputation de leurs déficits subis pendant l’intégration, sur les tableaux n° 2058 A bis et B bis.

– Enfin, au niveau des déficits imputables sur une base élargie (CGI article 223-I-5) issus de la cessation d’un groupe fiscal dont la société mère aurait pris le contrôle par voie d’acquisition de 95 % au moins du capital de l’ancienne société mère, ou par fusion, ou par scission, déficits qui sont attribués à l’ancienne société mère, si celle-ci subsiste dans le nouveau groupe, ou à la nouvelle société mère (en cas de fusion absorption de l’ancienne société mère et de transfert des déficits sur agrément). Ces déficits peuvent être utilisés par la nouvelle société mère intégrante pour limiter la charge d’impôt du groupe à hauteur des bénéfices réalisés par les sociétés membres de l’ancien groupe, qui ont été retenues dans le périmètre du groupe « repreneur ».

Ces règles illustrent, une fois de plus, s’il en était besoin, la nécessité d’une étroite coopération entre les services en charge de la consolidation et du reporting et les fiscalistes.

Laisser un commentaire