Interview de Gilles Bachelier

Gilles Bachelier
Président de la 8e sous-section de la section du contentieux du Conseil d’État
Président du Comité d’abus de droit et Professeur associé à Paris II
Intervenant EFE, formation « Panorama fiscal 2011/2012 » 24 et 25 janvier 2012, Paris

La Rédaction Analyses Experts : La loi de finances pour 2012 s’annonce sévère pour les entreprises et les personnes physiques. Quels vont être les impacts et les changements auxquels il convient de se préparer ?

Gilles Bachelier : À la loi de finances pour 2012, il convient aussi d’ajouter les lois de finances rectificatives de 2011.

Pour les personnes physiques, la réforme la plus importante est évidemment celle des plus-values immobilières qui entrera en vigueur le 1er février 2012 et se traduira par un alourdissement significatif de l’imposition. Il sera intéressant de suivre les conséquences de cette réforme sur le marché immobilier. À cela s’ajoute le nouveau coup de rabot sur les niches fiscales et le durcissement de certains régimes fiscaux incitatifs. À l’inverse, les contribuables qui acquittent l’ISF bénéficieront dès 2012 du nouveau régime plus favorable adopté par le législateur. Sans oublier bien sûr le relèvement du taux réduit de la TVA

Pour les entreprises, il y a bien sûr le relèvement à 10 % de la quote-part de frais et charges relative aux plus-values à long terme sur les titres de participation mais aussi, ce qui aura un impact sans doute encore plus important, le durcissement des mécanismes de report en avant et en arrière des déficits constatés par les entreprises soumises à l’IS. Les déficits reportés en avant seront limités dans leur montant. Pour les déficits reportés en arrière une triple limite est définie et porte sur l’exercice de report désormais cantonné à l’exercice précédent, sur le montant reportable et sur la possibilité dans le temps d’exercer l’option. Cette mesure peut avoir un effet particulièrement important en ces périodes de turbulence où les entreprises ont pu connaître avec la crise de 2008 des déficits récurrents sur plusieurs exercices.

La Rédaction Analyses Experts : La jurisprudence de l’année 2011 du Conseil d’État a été extrêmement riche. Quelles sont les principales décisions sur lesquelles le projecteur peut être mis ?

Gilles Bachelier : On peut dire que les années se suivent et se ressemblent. En 2011, la jurisprudence du Conseil d’État la plus marquante résulte de décisions prises par les formations jusqu’aux plus élevées sur des litiges fiscaux.

C’est ainsi que la Section du contentieux a redéfini le responsabilité de l’État du fait de l’action de l’administration fiscale en retenant un régime de responsabilité pour faute et en abandonnant le terrain qui subsistait encore de la faute lourde mais en précisant les modalités de la mise en œuvre de ce régime (CE Section 21 mars 2011 « Krupa »).

De même, les sous-sections fiscales statuant en formation plénière ont pris parti sur le régime d’imposition des associés non résidents d’une société de personnes (CE 11 juillet 2011 « Société Quality Invest ») et confirmé, en l’explicitant, l’analyse qui avait été suivie dans la décision « Kingroup ».

Pour le surplus, il n’est pas inintéressant de citer à l’attention des entreprises les décisions des formations fiscales habituelles s’étant prononcées sur des questions très diverses. Par exemple et sans prétendre à la moindre exhaustivité ou à une hiérarchisation des décisions, on peut citer, en matière d’impôt sur les sociétés, la portée de la notion de risque excessif et de sa mise en œuvre dans la théorie de l’acte anormal de gestion (CE 27 avril 2011 « Ferrand et Société Legeps »), en matière de TVA sur la notion d’opérations financières accessoires (CE 21 octobre 2011 « SNC Arian »), en matière de taxe sur les salaires la question des modalités de prise en compte des rémunérations des dirigeants de holdings mixtes (CE 8 juin 2011 « Société Sofic ») ou en matière d’abus de droit pour les apports-cession de titres (CE 24 août 2011 « Moreau et Mme Girault »).

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